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Transition écologique, citoyenne et inclusive : le défi du logement précaire

Patricia Roques, Docteure en Sciences de gestion, enseignante-chercheure au GREDEG-CNRS (Sophia Antipolis) et à l’IUT Nice-Côte d’Azur

Résumé

12 millions de personnes en France vivent en situation de précarité énergétique : à la fois cause et conséquence de logement défaillant et de ses impacts sociaux et sanitaires, ce phénomène interpelle la Transition écologique (et citoyenne). Avec ses moyens d’intervention mais aussi des normes plus exigeantes donc plus onéreuses, des contraintes pour protéger l’environnement, une énergie plus chère, la Transition Écologique peut-elle être socialement profitable et accessible à tous ?

Transition écologique, citoyenne et inclusive : le défi du « mal logement »

La transition écologique inclut évidemment la transition énergétique. Et le logement : le secteur du résidentiel est responsable de 30 % de la consommation finale d’énergie et de 17 % des émissions de gaz à effet de serre. Mais pour les individus, l’énergie est un bien de première nécessité pour la satisfaction de leurs besoins élémentaires, et donc une dépense contrainte. Face à des exigences et des coûts croissants, comment faire que la transition n’exclue pas et, au contraire, contribue à la lutte contre la précarité ? « Si nous devions mettre en exergue un enseignement majeur de ce débat public [sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE)], sans doute serait-il l’exigence de justice sociale », souligne ainsi Chantal Jouanno1.

Comment caractériser la ‘précarité énergétique’ ?

Selon la loi « Grenelle 2 » du 10 juillet 2010, « Est en situation de précarité énergétique […] une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat ».

Pour apprécier la précarité énergétique liée au logement, l’ONPE2 retient trois indicateurs

  • le « taux d’effort énergétique » (TEE) : plus de 10% de son revenu aux dépenses énergétiques, trois premiers déciles de revenus : 2,8 millions de ménages concernés.
  • l’indicateur « bas revenus, dépenses élevées » (BRDE) : revenus sous seuil de pauvreté, dépenses énergétiques, rapportées à la taille du logement et à la composition familiale, supérieures à la médiane nationale. 2,3 millions de ménages concernés.
  • le ressenti de l’inconfort, avec un indicateur du froid. 1,6 million de ménages concernés. 1 million de ménages cumulent situation d’inconfort thermique (indicateur de froid) et vulnérabilité économique(TEE, BRDE). 5,6 millions de ménages (12 millions d’individus, 1 personne sur 5) sont en situation de précarité énergétique pour au moins un indicateur. Au niveau international, plusieurs travaux mettent en évidence la pertinence d’un indicateur composite incluant notamment l’état du logement. Certains auteurs (Meyer et al., 2016) distinguent également pauvreté énergétique mesurée, cachée et perçue.

Les incidences de la précarité

Les ménages en précarité dépensent près de 25% de plus que la moyenne pour l’énergie dans le logement et plus du tiers des ménages déclarent restreindre le chauffage chez eux. Et les conséquences vont bien au-delà de ces seuls aspects financiers. Figure 1 : Les conséquences de la précarité énergétique

Sources : ONPE et Fondation Abbé Pierre]

Si, en France, 14,6% des ménages sont considérés en situation de vulnérabilité énergétique pour leur logement, ce taux est de 5,5 % en région Provence-Alpes-Côte d’Azur3. Cet écart est, à l’évidence, d’abord lié au climat et au moindre besoin de chauffage. La vulnérabilité énergétique est donc plus faible, par contre le taux de pauvreté est plus élevé: 15,8% de la population des Alpes Maritimes est en dessous du seuil de pauvreté (17.4% pour la région) contre 14.9% en moyenne nationale. La précarité associée au logement est aggravée par le coût du logement et la faiblesse relative du parc locatif de logements sociaux : 10,1% des résidences principales contre 16,8 % au niveau national4. En outre, ces indicateurs ne rendent pas compte de l’inconfort d’été et de la surchauffe des logements, avec leurs conséquences spécifiques. (Pour une compréhension générale du ‘mal-logement’ : Fondation Abbé Pierre, 2017, p.12-24).

Réhabiliter pour lutter contre la précarité

Les fournisseurs d’énergie effectuent 600.000 interventions par an (réduction de puissance, suspension de fourniture, résiliation de contrat) suite aux impayés. Des mesures d’urgence peuvent permettre de faire face et une tarification sociale de l’énergie, maintenant remplacée par le « chèque énergie » réduit les coûts. Mais si elles sont indispensables, elles ne modifient pas fondamentalement la situation des individus.

La France compte 7,5 millions de « passoires énergétiques », c’est à dire des logements d’un niveau de performance énergétique F ou G : 2,6 millions d’entre eux sont occupés par des ménages en ‘précarité énergétique’, soit près de la moitié de cette population. La réhabilitation de ces logements est donc une priorité à la fois énergétique et sociale.

La figure ci-dessous présente les principaux dispositifs d’aide à la rénovation énergétique des logements pour améliorer l’efficacité énergétique, réduisant ainsi la facture énergétique, apportant du confort à l’usage et contribuant à la maintenance ou à la requalification du patrimoine bâti.

Figure 2 : Principales aides à la rénovation et construction d’un montage financier

Note : Les dispositifs en pointillés sont soumis à des conditions de ressources. [Sources : ADEME, Aides Financières 2018 ; ANAH]

Le « montage » est à la charge du maitre d’ouvrage, mais le recours à une « société de tiers financement » peut constituer une alternative encore émergente : généralement société d’économie mixte, elle assure le montage financier (mobilise aides et prêts), réalise les travaux et se rembourse grâce aux économies d’énergie obtenues. La SEM Energie Posit’IF (en Ile de France), par exemple, intervient pour les copropriétés. Il existe en outre diverses aides ou sources de financement à caractère local (régional, départemental et/ou local) voire privé (Fondations). Des programmes de réhabilitation pour l’habitat ‘très social’ sont mis en œuvre par des organismes telle la Fondation Abbé Pierre.

Son programme « Toits d’abord » a ainsi permis de réhabiliter plus de 1000 logements par an sur la période 2016-2017 pour atteindre des performances de classe A, B ou C à partir de logements de classe E, F ou G. Évaluation : constats et préconisations Les dispositifs existent et sont nombreux.

Mais, à l’exception (partielle) du programme « Habiter mieux » de l’ANAH, leur évaluation (Cour des Comptes, 2016, p.56-68 ; Fondation Abbé Pierre, 2017, p.137-144) met en évidence une accessibilité défectueuse (complexité, nombre, règles propres, procédures) et une efficacité limitée, de surcroît non mesurée en termes énergétiques. Plutôt que d’inventer de nouveaux dispositifs, il s’agit donc de rendre opérationnel l’existant, c’est-à-dire de simplifier, de globaliser en adaptant au contexte territorial et de statut, sortir de l‘incertain, et affecter les financements nécessaires. Méconnaissance, incompréhension ou suspicion, incertitude voire doute sur les gains : les raisons de l’inaction sont multiples (voir, par exemple, Roques, 2016, p.128-137). Alors que si l’efficacité est au rendez-vous, la transition énergétique est économiquement (et socialement) ‘rentable’ sous condition, comme le montrent les retours d’expérience et les évaluations techniques (Sidler, 2012, p. 10-12), de vision globale et d’ambition auxquelles n’incite pas la dispersion des aides. La préconisation est alors de concentrer les aides sur les travaux s’inscrivant dans un objectif contractualisé (‘Contrat de Performance Énergétique’), de viser un niveau BBC Rénovation assorti d’une évaluation post-travaux.

Figure 3 : Préconisation pour chaque étape clé du processus de rénovation

Pour conclure

La loi « Transition énergétique pour la croissance verte » de 2015 a fixé l’objectif de rénover 500.000 logements par an pour majorité occupés par des ménages aux revenus modestes, visant ainsi une baisse de 15 % de la précarité énergétique d’ici 2020. En réalité, au rythme actuel, la précarité énergétique n’aura baissé que de 6 %…

Encore le décompte du nombre d’opérations et l’engagement de fonds publics ne suffisent-ils pas : il faut gagner réellement en efficacité. Diagnostic, tierce intervention, accompagnement et évaluation ont un coût, mais aussi une efficacité propre porteuse de valeur ajoutée.

Il est en outre essentiel d’inclure aussi les occupants : la réalité de la performance énergétique sera ensuite entre leurs mains. L’ARA (Auto Rénovation Accompagnée), outre son intérêt financier, peut en être un vecteur et l’inclusion des usagers peut même être également recherchée dès le processus de conception (Roques, Lazaric, 2018).

La précarité énergétique apparait comme conséquence et révélateur de précarité sociale. Mais également, on l’a vu, elle est cause de cette précarité sociale par le mal-logement. Elle apparait alors indissociable des questions de mobilité et, conjointement, de l’inscription du logement dans l’espace et l’urbanisme.

Références

ADEME (2018), Aides financières pour des travaux de rénovation énergétique de logements existants , 21p. ANAH (2015), Évaluation du Programme “Habiter Mieux” Etude 1 : Synthèse de l’enquête auprès des propriétaires occupants, N° 1 , janvier 2015

CGDD (2015), La rénovation thermique des logements : quels enjeux, quelles solutions ? , La Revue du CGDD, janvier 2015, 150 p. Cour des Comptes (2016), Les résultats modestes de l’incitation à la rénovation des logements, L’efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable p.56-68 Fondation Abbé Pierre (2017), Résorber les passoires thermiques en une génération, 22e rapport sur l’État du mal-logement en France 2017, p.137-151

Meyer S., Holzemer L, Nyssens T., Maréchal K. (2016), Things are not always what it is measured: On the importance of adequately assessing energy poverty, CEB, Working paper N° 16/025, June 2016 Roques P. (2016), La question de la consommation d’énergie dans les logements sociaux réhabilités, Pratiques et identité, Thèse, Université Côte d’Azur, juin 2016

Roques P., Lazaric N. (2018), Involving users in retrofit innovation systems: lessons from a French social housing programme, Technological Forecasting & Social Change (under review) Sidler O. (2012), La rénovation thermique des bâtiments en France – Enjeux et stratégie, Enertech, 47 p.

  • Présidente de la Commission nationale du débat public. Déclaration lors de la publication du compte rendu du débat public sur la PPE (31 août 2018).
  • Source : ONPE (Observatoire National de la Précarité énergétique)
  • Source : DROS PACA (Dispositif Régional d’Observation Sociale)
  • Source: INSEE pour les données relatives à la population, aux revenus, au logement. Notamment : Enquête nationale Logement 2013 (dernières données disponibles)

Partager un autre modèle énergétique avec Energie Partagée

Par Vincent Baggioni, Association Energie Partagée

Relocaliser l’énergie entre les mains des citoyens au plus proche des ressources d’énergies renouvelables, telle est la mission d’Énergie Partagée.

Pour cela, notre mouvement propose de jouer pour les acteurs locaux, le rôle de facilitateur et d’ensemblier afin qu’ils portent eux-mêmes des projets d’énergies renouvelables dans l’intérêt de leur territoire. En région PACA, comme dans d’autres régions de France, un animateur est mis à disposition pour accompagner les projets en émergence. Des formations sont proposées aux porteurs afin de les rendre autonomes. Un outil d’investissement solidaire permet de cofinancer les projets localement et/ou nationalement afin d’assurer leur gouvernance citoyenne. Bref, il s’agit de consolider la capacité des acteurs locaux, collectivités territoriales, acteurs économiques ou habitants, à développer ces installations en leur ouvrant leur capital et leur gouvernance de manière significative pour mieux en partager les bénéfices (financiers, emplois, pédagogie) dans l’intérêt des territoires.

L’implication de chacun pour la transition de tous

Énergie Partagée est né en 2010 d’un regroupement d’acteurs, avec l’ambition d’impliquer les citoyens dans la production d’énergies renouvelables locales et la maîtrise de l’énergie, pour en favoriser le développement dans les territoires. Puisque la transition énergétique « politique » est trop lente à venir et trop centralisée, les citoyens doivent montrer la voie concrète en se regroupant et en développant des projets locaux rentables, éoliens, solaires, hydrauliques, etc. avec comme seuls critères, l’intérêt général et la durabilité.

« Les citoyens doivent montrer la voie concrète en se regroupant et en développant des projets locaux ». Inspiré par les exemples danois ou allemands (en Allemagne, 50% de l’électricité d’origine renouvelable est issue de projets « citoyens »), le mouvement s’est doté d’un fonds d’investissement solidaire dédié au renforcement du capital de ces projets citoyens locaux d’énergies renouvelables.

Chacun peut investir à partir de 100 €  dans le fonds « Énergie Partagée » et aider à la réalisation de projets éoliens, solaires, biomasse, etc. qui ont en commun le respect de la Charte « Énergie Partagée ». Cette dernière exige que le projet soit guidé par un souci d’écologie et de non-spéculation, maîtrisé par les citoyens, ancré dans le territoire et ait une gouvernance démocratique.

5.000 souscripteurs, des dizaines de projets accompagnés et soutenus

En 7 ans, 277 projets ont été accompagnés. De nombreux projets portés par des collectifs citoyens ont été créés, dopés par le désir de valoriser les ressources des territoires et la perspective d’un autre horizon énergétique. Des collectivités locales jouent le jeu, aux côtés de porteurs de projet, bien conscientes que cette transition énergétique locale saura dynamiser leur tissu social et économique, et préserver ce terroir si précieux.

Les 5 000 souscriptions du fonds d’investissement citoyen ont permis de collecter 16, 5 millions d’euros qui ont servi à financer une cinquantaine de projets, toutes filières confondues (électricité, chaleur, gaz, cogénération). La région PACA à elle seule représente 317 actionnaires pour environ 1 million d’euros collectés. Au niveau national, l’association regroupe 151 adhérents, dont 19 en PACA.

La région Provence-Alpes-Côte d’Azur : un terroir énergétique exceptionnel

Malgré son immense potentiel, la région ne couvre que 10% de ses consommations énergétiques finales. Cette situation la rend très dépendante d’approvisionnements extérieurs et alourdit considérablement la facture énergétique régionale (12% de son PIB, soit 16 milliards d’euros par an). C’est autant d’argent qui ne profite pas aux circuits de richesses locaux. Changeons de modèle !

Déjà des réalisations…

« Réussir la transition énergétique passe par la construction de projets communs entre habitants, entreprises, collectivités… Et c’est l’ambition de Lucisol : croiser des acteurs, mêler des cultures et donner un nouvel élan partagé pour le territoire. »

La société LUberon CItoyen SOLaire – LUCISOL (Apt – 84) est née de la volonté d’une entreprise d’installer une centrale photovoltaïque sur la toiture de ses locaux, afin de produire sa propre énergie, et de son désir d’y associer les citoyens. Le projet, créé sous la forme d’une coopérative, a rassemblé 104 citoyens, dont les souscriptions (99 000 €) représentent les deux tiers de la mise de fonds. Complétée par Énergie Partagée (50 000 €), leur apport est suffisant pour maîtriser la gouvernance du projet (dont le montant total est de 340 000 €). Mise en service en Juillet 2016, la centrale produit environ 250 000 kWh, soit l’équivalent de la consommation de 100 foyers par an. Aujourd’hui, la coopérative continue à rassembler des fonds pour réaliser d’autres projets.… et d’autres à venir

 « Cette centrale fait partie de l’histoire Velauxienne et elle ne pouvait pas disparaître comme tant d’autres, laissées à l’abandon en France, alors que nous avons besoin d’une énergie locale et saine. Nous allons tout faire pour embarquer avec nous le plus de monde possible et démontrer que chaque citoyen peut décider de l’énergie que nous consommons. »« Au fil des rencontres avec les élus, on a su convaincre la municipalité de l’intérêt du projet. »

Hors service depuis 2012 après la casse de sa turbine, la centrale hydroélectrique de la Marie-Thérèse à Velaux (13) est en passe de reprendre du service ! Et cela grâce à Enercoop PACA et aux habitants des alentours qui vont pouvoir, via le financement citoyen, contribuer à son redémarrage. La turbine devrait générer 510 MWh/an, soit l’équivalent à la consommation de 160 foyers par an. La société Provence Énergie Citoyenne a ainsi été créé le 9 mai 2016 par 29 associés, bien décidés à mener à terme ce projet. Aujourd’hui, les études sont en cours de finalisation et bientôt pourra débuter la réhabilitation.

À Ventabren, à 50 km de Marseille, des habitants ont convaincu la municipalité de les soutenir dans le développement d’un parc solaire au sol. Les fondateurs du projet l’inscrivent dans une vision plus large : reconquête énergétique et agricole d’une friche, mise en place d’une politique « Énergie Positive » à l’échelle de la commune… Le parc prendra en effet place sur un terrain en friche enclavé entre l’autoroute et la ligne TGV. La puissance installée de 5 MW produira 7 900 MWh / an, soit la consommation de près de 2500 foyers. L’investissement total représente 5,3 millions d’euros, dont 1 million en fonds propres (amenés à 30 % par Énergie Partagée et SERGIES) et 4,3 millions d’emprunt bancaire. Le projet est en cours de développement, l’étude d’impact étant achevée. Son financement local a permis de collecter 11 054 € sur les 150 000 € requis.

Le scénario Négawatt 2017-2050

Conférence aux assises présentée par Emmanuel RAUZIER

Entre dérèglement climatique, tensions économiques et géopolitiques liées aux ressources énergétiques, aggravation des risques sanitaires et technologiques, et précarité énergétique, la France doit s’orienter rapidement vers un nouveau système énergétique.

Le scénario négaWatt répond à cet impératif en proposant une trajectoire vers un avenir énergétique souhaitable et soutenable, mais aussi les mesures à mettre en œuvre pour y parvenir.

Pour cela, il étudie en détail les différents secteurs de consommation (bâtiment, transport, industrie, agriculture) et de production d’énergie (renouvelables, fossiles, nucléaire) afin d’établir une évolution possible du système énergétique. Il montre ainsi comment la France peut – en quelques décennies – se passer totalement d’énergies fossiles et nucléaire.

Cet exercice de prospective, qui n’inclut aucune rupture technologique, économique ou sociétale, a notamment pour but de permettre aux décideurs d’intégrer les impératifs de long terme dans les décisions de court terme

Les 10 points-clés du scénario négaWatt 2017-2050

1 Une division par 2 de la consommation d’énergie*

Grâce à l’application systématique des deux premiers piliers de la démarche négaWatt, il est possible de diminuer significativement notre consommation d’énergie :

en priorisant les besoins énergétiques essentiels dans les usages individuels et collectifs de l’énergie par des actions de sobriété (éteindre les vitrines et les bureaux inoccupés la nuit, réduire les emballages, renforcer l’utilisation des transports en commun, etc.) ;

en réduisant la quantité d’énergie nécessaire à la satisfaction d’un même besoin grâce à l’efficacité énergétique (isoler les bâtiments, améliorer les rendements des appareils électriques ou des véhicules, etc.) ;

* en énergie finale : énergie délivrée à l’utilisateur final par un fournisseur (kWh électrique, litre d’essence, …).

2 Le maintien d’un haut niveau de services énergétiques pour l’ensemble des besoins

La réduction des consommations ne signifie pas retour à la bougie : les citoyens continuent à se déplacer et à utiliser des appareils électriques, les logements deviennent plus confortables, … et le scénario intègre même l’apparition de nouveaux usages.

3 Une consommation couverte à 100 % par des énergies renouvelables en 2050

La biomasse (bois énergie) reste la première source d’énergie renouvelable, suivie de très près en 2050 par l’éolien, puis par le photovoltaïque et le biogaz.

4 Une fermeture progressive du parc nucléaire

Le dernier réacteur nucléaire est arrêté en 2035. Aucun n’est prolongé au-delà de 40 ans.

5 La disparition du pétrole, du gaz fossile et du charbon

Alors qu’elles représentent 86 % de la consommation d’énergie finale en 2015, les énergies fossiles ne servent plus qu’à des usages non énergétiques en 2050 (production d’acier ou de ciment, …).

6 Une mutation des pratiques agricoles et sylvicoles

En exploitant de manière équilibrée et soutenable les sols, il est possible de répondre dans de bonnes conditions écologiques et économiques aux besoins de production d’aliments, de matériaux biosourcés (construction, isolants, textiles, etc.) et seulement ensuite d’énergie (biomasse).

Le scénario négaWatt est couplé avec Afterres2050 (Solagro), scénario de transition agricole et alimentaire. www.afterres2050.solagro.org

7 Gaz et électricité, une complémentarité nouvelle et incontournable

L’équilibre entre la production et la consommation d’électricité est rendu possible notamment par le développement du power-to-gas (transformation de l’électricité en gaz). Les réseaux de gaz et d’électricité ainsi connectés deviennent complémentaires.

8 La neutralité carbone pour la France en 2050

Le couplage des scénarios négaWatt et Afterres2050 montre que les émissions nettes de gaz à effet de serre, toutes sources confondues, deviennent nulles à partir de 2049 : les puits de carbone agricoles et forestiers compensent alors les émissions résiduelles, principalement dues à l’agriculture.

Le scénario négaWatt est ainsi le premier scénario français à atteindre la neutralité carbone, objectif du gouvernement français figurant dans l’Accord de Paris approuvé lors de la COP21.

9 Des bénéfices multiples pour la santé et l’environnement

Les scénarios négaWatt et Afterres améliorent très significativement la qualité de l’air, de l’eau et des sols ainsi que la biodiversité, avec des conséquences positives majeures sur la santé publique (on constate aujourd’hui près de 48 000 décès prématurés par an dus à la pollution de l’air).

10 La transition énergétique, un bienfait pour l’économie et l’emploi

Le scénario négaWatt est globalement moins coûteux que la poursuite des tendances actuelles : 400 milliards d’euros pourraient être économisés d’ici à 2050. Il est également créateur d’emplois : 400 000 emplois nets pourraient être créés en 2030, 600 000 en 2050.

Un projet de territoire pour tous les territoires

La mise en œuvre de la sobriété, de l’efficacité et du développement des énergies renouvelables permettrait de rendre tous les territoires – ruraux comme urbains – plus autonomes en énergie. Elle serait également source de retombées positives en termes de cadre de vie, d’activité économique et d’emplois.

L’Association négaWatt

L’Association négaWatt a été créée en 2001 par plusieurs experts et praticiens de l’énergie souhaitant promouvoir en France un système énergétique plus soutenable. Le scénario négaWatt est le fruit d’un travail collectif rendu possible par la mise en commun de l’expertise de ses membres agissant à titre personnel.

La réalisation du scénario 2017-2050 a été soutenue par la Fondation pour le Progrès de l’Homme.

Pour soutenir l’Association négaWatt et ses travaux :

www.negawatt.org/soutenir-negawatt

La consommation énergétique et les enjeux de la transition écologique

Nathalie Lazaric (Directrice de Recherches CNRS, GREDEG – Groupe de Recherche en Droit, Économie, Gestion)

La région SUD PACA est caractérisée par une forte croissance démographique, tant au niveau des agglomérations qu’au niveau des zones rurales. Il en découle des tensions importantes sur l’approvisionnement énergétique, amplifiées, d’une part, par une fragilité du système électrique et, d’autre part, par la forte consommation locale et le développement rapide de l’urbanisation. La région est, par conséquent, en dépendance énergétique. En effet, si la consommation de la région SUD PACA représente 8 % de la consommation nationale, sa production énergétique primaire représente 1 % de la production nationale, ce qui permet de couvrir seulement 10 % de sa consommation effective. Cette situation est souvent jugée critique et accentue les tensions sur l’approvisionnement électrique, la région, et plus précisément les Alpes-Maritimes, étant par ailleurs en situation de péninsule électrique car située en « bout de réseau ». Au niveau des principaux postes de consommation (cf. Figure 1), le secteur industriel (33 % au niveau local contre 19 % au niveau national) est prédominant du fait de la présence de grandes infrastructures, telles que l’Etang de Berre, qui contribue à accroître fortement la consommation énergétique.

Figure 1 : Consommation d’énergie finale par secteur d’activité (Source : ORECA)

Consommation régionale Consommation nationale

Par ailleurs, le secteur des transports (35 % ) est le principal consommateur d’énergie et représente le principal poste d’émissions des gaz à effet de serre. Le transport routier est, en 2016, responsable de plus de 52 % des émissions d’oxydes d’azote NOx et de 32 % de celles de particules fines PM2.5. Le principal émetteur des particules fines est le secteur de l’habitat et du tertiaire (36 % ). Au niveau de la consommation énergétique de l’habitat et du tertiaire, le chauffage représente 75 % de la consommation. Ce poids très important du chauffage est une caractéristique régionale liée à la faible performance énergétique locale et la surreprésentation des chauffages électriques. La vétusté de l’équipement énergétique (équipement en double vitrage insuffisant dans les bâtiments collectifs, et réhabilitations thermiques très en retard par rapport au niveau national), conjuguée à un taux de pauvreté élevé dans la région, conduisent à une précarité énergétique qui devrait être une priorité en matière de politique publique locale pour les partenaires publics et privés. En 2012, 16,9 % des ménages vivent en dessous du seuil de pauvreté. La région SUD PACA est la troisième région touchée par la pauvreté, derrière la Corse et le Nord-Pas de Calais. Un ménage sur huit vit en situation de vulnérabilité énergétique en 2012, selon les données de l’INSEE. Cette vulnérabilité touche les logements anciens chauffés au fioul et à l’électricité. La rénovation des logements anciens, l’amélioration thermique des logements sociaux et le remplacement des chauffages énergivores sont aussi les principaux enjeux de la transition écologique et énergétique de la région.

Au niveau de la production régionale d’énergie, fortement dépendante de l’approvisionnement national, il existe d’importantes singularités. La production hydraulique reste importante et constitue 58 % de la production locale, le second poste étant le bois (27 %) et le photovoltaïque (8 % ), ainsi qu’on peut le voir dans la Figure 2 ci-dessous.

Figure 2 : Production régionale d’énergie primaire par filière en 2016 (Source : ORECA)

La production hydraulique est principalement réalisée par les barrages construits sur la Durance et le Verdon. Ces barrages, édifiés après la seconde guerre mondiale pour alimenter la région, n’ont pas connu de véritable essor. Comme on peut le constater dans le tableau suivant (Tableau 1), la part de l’hydraulique est en baisse constante ces dernières années. Ces barrages sont aussi fortement controversés. Représentant, pour les uns, une énergie verte, ils sont aussi décriés, par d’autres, comme néfastes pour l’environnement et pour les milieux aquatiques. Ils sont dans tous les cas à l’interface des préoccupations environnementales actuelles : l’eau et l’énergie.

Tableau 1 : Situation de l’hydroélectricité en Provence-Alpes-Côte d’Azur (Source : ORECA)

Nombre de grands barrages

21

Nombre de petites centrales

143

Puissance installée

3 222 MW

(Source RTE)

2009

Production (en Gwh)

10 010

Si le bois reste une filière très dynamique pour la région et représente 27 % de la production locale, il est intéressant de souligner le fort essor des installations photovoltaïques (cf Tableau 2) qui fournissent 8 % de la production locale. La filière a bénéficié d’importants soutiens institutionnels, ce qui a permis à la région SUD PACA d’être la deuxième région solaire en France raccordée au réseau. L’énergie solaire thermique, qui consiste à capter l’énergie du soleil pour produire de la chaleur (l’eau chaude ou le chauffage pour les particuliers) constitue une énergie d’appoint. Le Tableau 3 montre son essor récent, soutenu par d’importants dispositifs locaux, ce qui explique sa diffusion récente en termes de surfaces installées.

Tableau 2 : Installations photovoltaïques raccordées (Source : ORECA)

Année

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018 (au 30/03)

Nombre d’installations

25 370

27 758

29 932

31 892

32 944

33 938

34 842

35 184

Puissance (MW)

385

531

664

766

870

945

1 111

1 147

Tableau 3 : Le solaire thermique collectif en Provence-Alpes-Côte d’Azur (Source : SOeS de ORECA)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Surface installée (m²) – Collectif

22 986

26 193

26 999

28 077

29 286

29 911

30 441

30 558

Nombre d’installations collectives

385

443

469

487

508

518

520

525

Surface installée (m²) – Individuel

81 275

ND

ND

ND

ND

ND

ND

ND

Surface installée (m²) – Total

158 000

178 000

195 000

221 000

240 000

252 000

ND

ND

Pour conclure, il faut souligner que si l’offre reste très tournée vers les énergies renouvelables, elle est insuffisante (voire dérisoire) pour faire face à la croissance des besoins locaux. La transition écologique passe donc par une maîtrise de la consommation locale à travers une diversité des sources d’approvisionnement et une amélioration de la performance énergétique des bâtiments. Un effort important doit, par ailleurs, être réalisé au niveau des infrastructures de transport, encore largement insuffisantes et conduisant à augmenter les émissions de gaz à effet de serre. Enfin, la transition écologique requiert une attention aux disparités sociales et la nécessité d’inscrire cette question dans la conduite des politiques publiques pour réduire la précarité énergétique, accroître les infrastructures publiques et préserver la cohésion sociale du territoire.

Sources  : ORECA (Observatoire régional de l’énergie et du climat) ; INSEE, « Provence-Alpes-Côte d’Azur est la troisième région touchée par la pauvreté », dossier Provence-Alpes-Côte d’Azur, 4 juin 2016 ; Rapport ELPE (État des lieux de la précarité énergétique) 2011.