Agriculture péri-urbaine: le Jardin Forêt de quartier « Zeta di Zappa » à Cunéo

DESCRIPTION DE LA NATURE ET GENÈSE DE L’ALTERNATIVE, DE SON CONTEXTE

Le 8 septembre 2011 à Cunéo, dans un contexte à ce moment-là national et international, un groupe spontané de personnes est né, animé par l’intention d’être « rebelles », pas des témoins passifs, mais des acteurs, présents dans la réalité « par amour de ce nouveau monde auquel nous rêvons tous ». Le lieu d’action, essentiellement politico-culturel, était alors les places publiques.
Puis, dans une situation générale changée, s’est révélée l’exigence de s’exprimer à travers des actes concrets de changement et de responsabilité. Le projet s’est alors éloigné de la ville et l’attention s’est orientée sur la nature, sur la terre, le groupe a changé et Zdizappa est né (juillet2012).
Nous avons commencé avec des actions de « Guerrilla gardening », en arrangeant les parterres en centre ville. Dans le même temps, nous avons développé le projet “OrtocomuneaCuneo”, petits modules potagers partagés, à réaliser dans un grand espace public abandonné, mais le manque de réponse de la mairie et l’impossibilité d’accès à l’eau a finalement rendu le projet impraticable.
Fin 2014 s’est présentée l’occasion de collaborer avec la Maison du Quartier Donatello, une association de 2° niveau qui accueille différentes réalités sociales du territoire pour réaliser un projet d’agriculture urbaine sur une zone de propriété communale en gestion directe. L’endroit est le “Donatello”, un quartier populaire de la banlieue de Cuneo, où résident des personnes défavorisés et des familles d’immigrés. Pendant ce temps, le groupe Zdizappa approfondit le sujet du ‘food forest’ ou ‘jardin forêt’, un écosystème productif qui imite la nature, en utilisant des plantes comestibles, avec une gestion inspirée de l’agriculture naturelle. Mais le ‘food forest’ se veut également être une place conçue pour alimenter les relations, lieu de rencontres et d’échanges, d’expériences culturelles, de proximité, de créativité et de plaisir.
À ce moment là, avec la terre et l’idée, nous nous sommes lancés, cette fois dans un projet qui concernait essentiellement le quartier.
À partir de ce dimensionnement, qui est le quartier, nous n’avons pas perdu de vue la ville… et le monde. Autant que possible, nous participons à des événements et nous entretenons des relations avec d’autres associations, également dans d’autres endroits, qui ont aussi une vision responsable, créatrice et solidaire de transformation de la réalité. Agir localement et penser globalement!

DESCRIPTION DES PARAMÈTRES TECHNIQUES

Les conditions initiales

La zone d’installation du ‘jardin forêt’ est un jardin public d’une superficie d’environ 1700 m2 entourés d’ immeubles. La surface, à part 3 tilleuls, se présentait comme un pré vert régulièrement tondu par la mairie. L’herbe était emporté. Le terrain n’était pas pauvre en matière organique comme on aurait pu s’y attendre mais il était riche en micro-organismes utiles (bactéries, champignons…) afin de créer un sol riche d’humus.
Techniques adoptées pour le projet Le projet a été réalisé selon les principes de la permaculture, avec un choix attentif aux plantes selon leur aide réciproque (azote fixateurs ou bio accumulateurs), ou selon leur utilisation (plantes à bois pour le paillis, comestibles, rappel pour abeilles
et papillons, etc.). Il a été décidé de commencer avec l’installation des deux premiers niveaux du ‘food forest’: l’arboré et l’arbustif, en utilisant des ordres définitifs. Les niveaux herbacés suivants, des tubercules et racines, coprisuolo et des plantes grimpantes, seront introduits graduellement et localement, en évaluant l’adaptation.
Sauf exceptions, toutes les essences sont comestibles ou peuvent être utilisées comme plantes médicinales. Les essences utilisées sont de notre flore locale et rustique principalement. Une partie des arbres (pommiers et poiriers) sont des variétés anciennes et locales récupérées par le Comizio Agrario de Mondovì.
Nous avons diversifié l’environnement en modulant l’entretien et en augmentant la biodiversité, ainsi qu’en créant des niches écologiques.
Pour cela, quelques hôtels à insecte ont été construits dans la forêt, ainsi qu’un nid pour oiseaux sur un érable déjà présent sur place.

Techniques adoptées pour les plantations

Les plantations des arbres et des arbustes ont été faites en automne 2015. Pour l’installation, nous avons sollicité la collaboration de volontaires de quelques associations locales et d’autres personnes qui ont soutenu le projet. Il n’y a pas eu de labour, mais les plantations ont été faites dans des trous; du compost et du paillis ont été mis pour couvrir le trou de plantation. Pour les deux premières années, les plantes ont été protégées avec des filets plastiques hauts de un mètre, fixés avec des cannes de bambou. Tous les ans on procède avec des ajouts de compost et de nouveaux paillis.

Techniques adoptées pour développer la fertilité du sol

Du “jardin forêt”, moins de matières organiques ne sort (fruits et légumes) que ce qui y entre (paillis, compost, feuilles, etc.). L’herbe, une fois coupée, est redistribuée sur le manteau herbeux. Aujourd’hui, le paillis est composé de paille et d’herbe fauchée, ainsi que de feuilles des arbres des parcs limitrophes.
Une partie de la matière verte et brune est transformée en compost, en tas d’au moins un mètre cube. Le compost produit, en plus d’être utilisé pour développer les plantes directement, est utilisé pour produire du fumier liquide foliaire entre le “thé de compost” et l’acide humique.

Entretien

L’entretien de la forêt est moindre. Dans la partie arborée, l’herbe est laissée et presque jamais tondue.
Dans la partie destinée au pré, l’herbe est tondue mais n’est pas emportée ou si elle est emportée, elle est compostée et réintroduite donc crée un cercle vertueux.
L’irrigation est faite rarement et seulement pour certains zones.

DESCRIPTION DES PARAMÈTRES ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

Le groupe s’est interrogé plusieurs fois sur le rapport à l’argent.
Jusqu’à aujourd’hui, il a consciemment choisi de réduire au minimum les dépenses et l’utilisation de l’argent en général, de ne pas rechercher de sponsor par exemple, pour un choix de sobriété et de liberté de condition, qui fait partie de notre vision, ainsi que pour voir si il était possible d’activer des alternatives plus créatrices, dynamiques, et fertiles.
Nous avons remarqué que l’argent investi crée des accélérations confortables, providentielles parfois, mais qu’il crée également des problèmes de « fragilité » des projets, comme si les choses n’avaient pas eu le temps de prendre racines, de se faire une place, un parcours, d’être sentie et voulue, et grandir selon les possibilités réelles de la situation. Quelque chose de semblable à l’usage des engrais dans l’agriculture conventionnelle.
L’argent est arrivé de toute façon (et nous en sommes reconnaissants!) essentiellement par la participation aux avis et, dans une moindre mesure, à l’auto-financement, jamais officialisé en formes rigides.
En 2015 nous avons participé et gagné un concours organisé par une association, le WSF Collective, dans le cadre d’un festival sur l’environnement durable nommé ‘Green Park Festival’, qui a mis à disposition de notre projet 1000 euros pour l’acquisition des 110 premiers plants (arbres et arbustes) du jardin forêt de Via Rostagni.

En 2016, en collaboration avec la Maison du Quartier Donatello, nous avons adhéré au projet “semi de quartier”, conçu pour requalifier et régénérer deux autres espaces verts dégradés du quartier. Le Projet est soutenu par la “Compagnia di Saint Paolo”, via le collectif “Cittadino Albero” et a pour objectif de fédérer et créer une communauté autour du sujet de l’agriculture urbaine. Entre 2017 et les premiers mois de 2018, avec une contribution d’environ 3000 euros, s’est réalisé: un second jardin forêt à Via Bellisario et la zone des potagers partagés à Via Rostagni, en plus de l’acquisition de quelques outils et machines (scie). En outre, “semi de quartier” prévoit aussi quelques parcours de formation pratique en agriculture urbaine selon les principes de l’agriculture urbaine (aujourd’hui, 600 euros ont été investis dans des cours gratuits pour les résidents).
À souligner, finalement, que pour la gestion ordinaire de l’espace pris en charge par le groupe Zdizappa, la dépense moyenne annuelle est d’environ 500 euros, comme le montrent les bilans des années passées; dépense à laquelle parfois nous faisons face grâce à des ressources qui nous arrivent (dont nous sommes également reconnaissants!) sous forme de dons ou d’échanges.
A tour de rôle, un membre du groupe tient « la caisse », c’est-à-dire la comptabilité d’entrées et sorties, et met régulièrement à jour la situation dans un rapport de confiance et de transparence.

DESCRIPTION DES PARAMÈTRES JURIDIQUES

Le groupe a choisi, au moins jusqu’à maintenant, de ne pas avoir de forme
juridique.
En cas de besoin, lorsqu’il est nécessaire de recourir à une entité ayant une responsabilité juridique, le groupe Zdizappa fait référence à la Maison du Quartier Donatello, qui, comme écrit, est une association de second niveau.

DESCRIPTION DU MODE DE GOUVERNANCE DE L’ACTION

Pour gérer la réunion, nous avons adopté la méthode du consensus, qui est un processus décisionnel de groupe qui a comme objectif d’aboutir à des décisions partagées, qui répondent aussi aux objections. Dans la méthode du consensus, le conflit; qui est inévitable, est valorisé et géré de manière constructive. Chaque personne porte une partie importante de vérité, les objections ne sont pas perdues mais peuvent être porteuses d’autres réflexions pour amener des nouvelles solutions. C’est un élargissement de vision qui demande disponibilité et souplesse pour modifier son propre point de vue.
La méthode utilise des techniques et des stratégies précises pour gérer les réunions.
Elle prévoit un roulement des rôles à l’intérieur du groupe, et nécessite des
documents fondateurs dans lesquels le groupe reconnaît sa mission, ses accords de base, d’ordres du jour clairs et préétablis. Finalement, des  évaluations et feedbacks aident le groupe à corriger le tir lorsque c’est nécessaire.

DESCRIPTION DES TEMPORALITÉS DU MONTAGE, DU FONCTIONNEMENT

Automne 2014: projet du “jardin forêt”;
Printemps 2015: formation sur le “food forest” à l’institut Italien de Permaculture de Pietro Zucchetti à Scagnello, Cuneo;
Automne 2015: réalisation du “jardin forêt” de rue Rostagni avec les plantations de 110 plantes, avec la participation de nombreux volontaires et formation avec Onorio Belussi d’Adro, BS, qui est propriétaire d’un des plus vieux jardins forêt d’Italie;
Automne 2016/Printemps 2017: formation sur la “méthode du consensus” par Lucilla Borio de l’ecovillaggio de Torri Superiori, Imperia,;
Automne 2016: formation sur la fertilité du sol, gratuit, tenu par Pietro Zucchetti de l’institut italien de Permaculture;
2016/2017: suivi des installations des autres niveaux végétaux de la forêt;
Automne 2017: conception et réalisation du second jardin forêt de rue Belisario.
Formation théorique et pratique sur la forêt jardin par l’institut italien de
Permaculture.
Automne 2017/primavera 2018 réalisation des grands caissons pour l’horticulture partagée. Ont été réalisés 14 parterres surhaussés d’environ 5 m2 l’un, assignés aux résidents pour la culture.

DESCRIPTION DES PARAMÈTRES HUMAINS ET PROSPECTIVE

Le sujet de l’impact, de l’implication par rapport au quartier est un sujet ouvert. Il n’y a pas eu d’hostilité vis-à-vis du projet, ou alors seulement quelques petits épisodes:
quelques peurs, traces de présence de jeunes « de nuit » et quelques plaintes sans suite. En général, la forêt a toujours été respectée; malgré le fait qu’il n’y ait pas de clôtures et qu’elle soit toujours ouverte, ses fruits n’ont presque jamais été touchés.
Seulement, l’objectif de la participation, de l’intégration dans le cœur du projet a été atteint seulement en partie, avec des implications temporaires. Nous avons reçu de nombreux compliments, qui sont cependant restés sans suite « active ». Seul Luigi, un habitant âgé des immeubles environnants a offert pour plus d’un an une collaboration pratique continue et enthousiaste.
La Maison du Quartier nous soutient, mais développe des activités qui concernent essentiellement les jeunes, avec des activités extra scolaires, sport, musique, sujets résolument plus proches de leurs intérêts. Cependant, peut être qu’une plus grande collaboration et une meilleure coordination pourrait porter ses fruits.
Sur le terrain de la forêt, les initiatives ont grandies: une rencontre avec le quartier pour présenter le projet avant de commencer (une vingtaine de personnes, nombreuses personnes âgées), des collaborations avec le Centro DisturbiAlimentari, avec un groupe de boy-scout, des fêtes d’anniversaire de la forêt, des fêtes de l’ensemencement, un concert de harpes, des activités pour écoles maternelles et élémentaires appréciées par les enfants et les professeurs, mais qui n’ont pas rapprochées les familles, des ateliers (de compost, hôtels à insecte, etc…)
auxquels ont participé pour la plupart des gens extérieurs au quartier, voire même d’autres villes.
Cette année, une zone réservée aux potagers a été isolée, laissée au soin de personnes seules ou de groupes, avec pour objectif d’augmenter l’implication des habitants. Cette initiative semble permettre un plus grand mouvement et de grandes possibilités de relations directes entre le groupe et entre les gens intéressés.
Nous avons probablement investit trop peu sur la communication directe ou peut-être aussi sur la forêt, étant un projet né à l’extérieur de la réalité du quartier, c’est un peu comme une plante replantée, qui a besoin de s’acclimater, de prendre racines et de croître avant de pouvoir être vraiment « vue » et « bien-aimée. »
Les deux dernières années ont apporté des petites évolutions en ce qui concerne la participation et la conscience du projet à l’intérieur de la communauté.
Le projet “semi de quartier” avec les potagers partagés, le recouvrement d’autres espaces verts,les formations pour les résidents, la convention récente avec les jeunes du lycée artistiques “Ego Bianchi” de Cuneo, l’intérêt de quelques résidents (Brunella, Piero, Rosaria et autres) sont des pistes importantes sur lesquelles repartir pour redonner une nouvelle poussée au développement du projet “food forest” dans le quartier.
Les projets futurs devront donc viser à impliquer davantage les résidents qui cultivent les potagers, et les faire participer à la gestion.
On prévoit d’élargir le réseau de “food forests” dans le quartier avec, à l’avenir, le recouvrement d’un espace vert abandonné et peut-être commencer à recevoir d’autres quartiers, la naissance d’une petite pépinière qui rendrait les paysans urbains autonomes dans la production de leur propres plantes, la réitération des parcours didactiques, en allant plutôt vers la formation ouverte aux écoles et aux résidents, une plus grande conscience du rôle politico-culturel à consommer en ville pour sa propre communauté, et enfin la consolidation des relations avec des associations, organismes et instituts de recherche sur les sujets importants du changement de paradigme socio-économique qui nous inspire.

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