« Vous avez dit déchets ? » Approche succincte du traitement des déchets des ménages dans les Alpes-Maritimes

Jean-Raymond Vinciguerra (Conseiller Départemental des Alpes-Maritimes)

Tous les chiffres cités dans cette présentation proviennent des comptes rendus des prestataires en matière de déchets, il est difficile de les contester puisqu’ils correspondent à une obligation légale de transparence. Toutefois, les rapports pour l’année 2017 n’ont pas été publiés par SONITHERM et SMED06, seul UNIVALOM est en règle avec cette obligation légale de parution.

Pour ne pas fausser l’exposé des tonnages nous nous baserons sur les rapports d’activité 2016, tous disponibles.

Il existe quatre équipements de traitement des déchets dans les Alpes-Maritimes : deux centres dits « de valorisation énergétique » l’un à Antibes-Biot géré par UNIVALOM, l’autre à Nice-l’Ariane, géré par SONITHERM ; un Centre de Valorisation Organique (CVO, correspondant au compostage) à Le Broc, géré par le SMED ; un centre de tri des emballages ménagers à Cannes-Mandelieu géré par le SMED. Enfin, deux cimenteries qui absorbent des déchets semi transformés dans leurs fours.

On remarquera qu’il n’existe qu’un seul CVO et deux sites de traitement par incinération (plus les cimenteries).

Nous ignorons volontairement les déchetteries qui relèvent de l’apport volontaire et pas de la collecte.

Présentation des tonnages de collecte traités à SONITHERM (Nice), UNIVALOM (Antibes) et SMED06 (Le Broc) :

Pour la SONITHERM :

On remarquera que TOUT ce qui est collecté est brûlé ; les 54.853 « hors OMA » proviennent essentiellement des boues de STEP « séchées ».

Pour UNIVALOM (Antibes) ;

Un bel équilibre entre incinération et valorisation, UNIVALOM fait de vrais efforts.

Pour SMED 06 :

On remarquera que la valorisation matière (but initial de la création du CVO du Broc) représente moins de 15% du résultat de traitement de SMED06, le recours à l’incinération et à la co-incinération (Combustibles Solides de Récupération vers les cimenteries) sont majoritaires.

La production de recyclage matière semble bien inclure la capacité du centre de tri de Cannes-Mandelieu.

Enfin l’avant-dernier dernier tableau fait le point sur la masse totale collectée et traitée, en augmentation :

Cette augmentation du tonnage traité est en contradiction au moins apparente avec la loi Grenelle qui prévoit une diminution constante de la collecte de 7% par an.

Il faut toutefois signaler que si les traitements font « gonfler » le tonnage traité, il y a une explication simple : l’incinération des déchets produit de 15 à 20% mâchefers qu’il faut enfouir, donc traiter une seconde fois…

Le choix de l’incinération massive fait accroître les traitements sans que l’on puisse en déduire une augmentation de la collecte.

C’est la version déchets de la multiplication des pains… Mais cette multiplication n’est pas un don du ciel, elle a un coût. Le tout dernier tableau donne une idée du coût par habitant pour le simple traitement

SONITHERM

CHIFFRE D’AFFAIRE

34 607 600 €

SOIT : 91,430 M€ 84,50 €/hab.

VALOMED

CHIFFRE D’AFFAIRE

29.042.055 €

SMED

TOTAL DES RECETTES

27.782.114 €

(hors collecte, transports, stockage, déchetteries, tri des emballages ménagers…)

Pour résumer : il faut insister sur les faits suivants :

  • L’incinération représente plus de 60% des traitements

  • La valorisation représente moins de 20% des traitements

  • La loi Grenelle dispose que le recyclage matière et organique du produit de la collecte doit atteindre un taux de 35 % en 2012 et 45 % en 2015. (ces rapports datent de 2016…)

De surcroît, les traitements en cascade engendrent un besoin de transport qui n’est pas sans coût. À quoi correspondent ces besoins de transport ? Toutes les collectes aboutissent à des quais de transferts où la collecte est concentrée dans des semi-remorques.

Trois destinations à partir des quais de transfert :

1/ La décharge (destination finale)

2/ L’incinérateur, destination intermédiaire puisque les mâchefers doivent être acheminés à nouveau vers une décharge.

3/ Le centre de valorisation, dont les résultats de traitement non valorisables (majoritaires) sont acheminés vers la décharge ou l’incinérateur donc, à nouveau, production de mâchefers réacheminés vers la décharge.

NB : il n’y a pas de décharge dans le 06.

Un mot sur les centres de tri d’emballages ménagers :

Les centres de tri des emballages ménagers dans les alpes maritimes ont une capacité de tri de l’ordre de 42.000T/an (Cannes-Mandelieu : 32.000T/an + Le Broc : 10.000T/an) ; le ratio des emballages par rapport au tonnage d’OMR collectés est de l’ordre de 20%, donc le tonnage à traiter dans les Alpes-Maritimes avoisinerait les 200.000T.

En guise de conclusion, les solutions à apporter pour sortir de la situation actuelle et se rapprocher des buts de la loi :

I/ Réduire la collecte :

Multiplier les colonnes d’apport volontaire (Verre – Papier-Journaux – revues)

Multiplier les déchetteries : une déchetterie pour 25.000 habitants (Soit une quarantaine pour le département)

Multiplier les centres de tri des emballages ménagers (Pour atteindre une capacité de tri de 200.000 tonnes/an)

II/ traiter différemment :

La clé du problème réside dans la collecte séparée des déchets secs et des déchets fermentescibles.

Si les fermentescibles sont collectés à part, ils ne seront pas pollués par des déchets ou micro déchets non fermentescibles et on obtiendra un compost de bien meilleure qualité, plus aisément compatible avec la norme européenne d’éligibilité en amendement agricole.

Si les déchets secs sont collectés à part, ils ne seront pas souillés par des déchets humides, on augmentera ainsi le tonnage des déchets secs valorisables en matière (papiers, cartons, certains plastiques). On peut envisager des centres de tri dédiés à la filiérisation de ces déchets vers le recyclage.

C’est une conception radicalement différente de la chaîne de traitement des déchets, les déchets sont composés de matières très différentes, pourquoi vouloir les traiter en mélange ? Sauf à vouloir faciliter le travail des prestataires qui ne disposent que d’outils de traitement de déchets collectés en mélange.

Faut-il désespérer ou se donner les moyens de changer le présent pour bâtir un autre avenir ?

 

 

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