Jardin pédagogique en permaculture du Petit Pessicart

Jardin pédagogique en permaculture du Petit Pessicart

(Nice, association d’éducation à l’environnement Shilakong)

  1. Nature et genèse de l’alternative, de son contexte

    Après avoir vécu le changement climatique dans un gorge inondée de l’Himalaya nommée Shilakong (littéralement « vallée de l’éthique »), les membres fondateurs créent une association d’éducation à l’environnement portant le nom de cette gorge. S’appuyant principalement sur la permaculture, elle a pour objet de « faciliter les transitions individuelles et collectives vers des modes de vie éthiques et durables », et intervient auprès des enfants comme des adultes.

    En septembre 2015, lors d’une journée thématique dédiée à la systémie1 que nous organisons, nous présentons la permaculture et une membre de l’association nous indique qu’elle possède un terrain qui pourrait nous intéresser… Confrontés à l’urgence climatique et motivés par la reconnexion humain-nature et les questions éducatives, nous entreprenons d’y créer un jardin pédagogique en permaculture, afin d’y accueillir enfants et adultes. Pour y parvenir, nous formalisons concept, mission et vision du projet comme suit :

    Le concept :  »concevoir et créer collectivement un jardin démonstratif et pédagogique, s’inspirant des principes éthiques et des principes de conception de la permaculture, où les enfants ont l’espace de concevoir ensemble leurs jardins potagers et d’approfondir leur rapport à la nature.

    Le lieu est un espace de partage de connaissances, qui permet de s’immerger dans la nature et de donner l’opportunité au public de développer sa créativité. Les infrastructures permettent d’accueillir enfants et adultes dans un cadre harmonieux ».

    La mission :  »faire découvrir la permaculture par la démonstration, la pratique et la formation. La permaculture nous permet de reconsidérer les liens qui unissent l’humain à la Terre, tant par l’aspect matériel (nourriture, fibres, énergies…) qu’immatériel (bien être, conscience, organisation humaine, vision du monde et de la société). L’approche systémique qu’elle implique nous invite à une transformation individuelle et collective ».

    Enfin, la vision :  »le jardin est utilisé comme support de développement du pouvoir créatif individuel et collectif. D’autre part, il nous permet de mettre en lumière l’intelligence de la nature, de laquelle il nous semble essentiel de se rapprocher ».

    3 ans plus tard, le Jardin répond aux objectifs initiaux2 par la création d’une forêt-jardin et grâce à différentes activités, menées auprès de publics variés :

    – organisation de formations d’ « Introduction à la permaculture » et d’un cycle de chantiers formatifs au design circulaire par des formatrices certifiées,

    – création d’un groupe de design en permaculture, afin de concevoir, réaliser et entretenir les différentes zones du Jardin (fin 2017),

    – organisation de journées participatives, permettant de découvrir et apprendre la permaculture par la pratique (une vingtaine de journée depuis le 13 mai 2017, date de l’ouverture au public),

    – organisation d’ateliers de land-art et poterie pour enfants, et, à partir de septembre 2018, ateliers  »Permaculture » tous les mercredis des périodes scolaires pour les 3-6 ans et les 7-12 ans,

    – organisation d’événements (Fêtes des possibles, concerts, piques-niques 0 déchets…), ainsi que d’une rencontre entre enseignants, formateurs Espe, parents, éducateurs et infirmières en pédopsychiatrie sur le thème des « projets nature »,

    – réception de classes (maternelle et primaire) depuis février 2018, ainsi que d’un centre aéré sur 2 journées lors des vacances d’été 2018.

2. Paramètres techniques

Situé à Nice, le terrain surplombe la ville depuis la colline de Pessicart. Il se trouve à quelques centaines de mètres de la piscine du Piol et du lycée du Parc Impérial, et à quelques minutes en transport motorisé du centre ville, via un escalier communal desservi par les lignes de bus n°17 et 63. Exposé Sud-Ouest, le terrain offre une vue sur la mer d’un côté et sur la colline de Saint-Pierre de Feric de l’autre. Il assure une atmosphère paisible et propice au bien-être général du public ainsi qu’à celui de la biodiversité.

Le terrain occupe une superficie d’1 hectare, dont environ 4000 m2 sont réellement utilisés pour la création d’espaces potagers ou thématiques, et un accueil du public sécurisé. Le reste est composé de pentes importantes et d’une végétation dense et sauvage, représentative du milieu calcaire, qu’il nous semble essentiel de préserver.

3. Description des paramètres économiques et financiers

La réhabilitation et l’aménagement ont et continuent de nécessiter des fonds, notamment pour l’achat d’outillage (jardinage et construction), d’essences d’arbres et arbustes (création d’une foret comestible), de matériel pédagogique et de matériaux d’éco-construction. L‘efficacité de la permaculture en ce qui concerne la collecte et le stockage de l’eau en permet une très faible consommation (environ 10m2 par an). Enfin, l’association débourse plus d’une centaine d’euros annuels d’assurance, et à peu près autant pour son site Internet et nom de domaine (shilakong.org).

Face à ces dépenses, nous avons entrepris entre novembre 2017 et janvier 2018 un financement participatif sur la plateforme Zeste de la banque Nef, qui s’est soldé par plus 7200€ de contributions (une fois les 8 % de frais de la plateforme déduits). Cours de permaculture, ateliers pour enfants et adultes et événements complètent le modèle économique. L’équipement en matériel pédagogique a été en majorité financé par les 9èmes Trophées de l’Environnement de la Ville de Nice (1800€, auxquels s’ajoutent 400€ pris sur le financement participatif).

Nous souhaitons éviter au maximum que les classes aient à payer leurs projets et sorties au Jardin, et avons donc entrepris des démarches vis-à-vis des collectivités afin qu’elles financent les classes demandeuses. En cohérence avec les démarches de décroissance et de zéro-déchet, nous utilisons dès que possible les ressources renouvelables du terrain (balustrades, etc), la circularité (toilettes sèches), la récupération ou encore le don pour nos aménagements et autres besoins. Enfin, un partenariat avec le semencier Kokopelli, ainsi que des dons de membres et sympathisants, nous ont permis d’éviter quasiment toute dépense pour l’achat de graines et plants.

4. Description des paramètres juridiques

L’association Loi de 1901 est déclarée en Préfecture depuis 2013. Elle dispose d’un bureau de forme classique (Président, Vice-Présidente, Trésorière, Secrétaire) paritaire femmes/hommes, et d’une centaine de membres, dont une quarantaine d’actifs.

Le terrain est quant à lui occupé via un « commodat », ou prêt à usage, contrat très répandu dans le cadre agricole. Nous souhaiterions évoluer vers un bail, qui devra être civil étant donné que les baux agricoles induisent une requalification possible en « bail à ferme » très contraignant pour le propriétaire.

5. Mode de gouvernance de l’action

Nous nous appuyons sur les principes de la sociocratie pour nos séances de travail. En groupe de design, nous avons convenu de 11 principes pour guider notre action3. Nous sommes à ce jour organisés en 3 pôles : Jardin du Petit Pessicart, perma-pédagogie et support, ce dernier pôle comprenant des fonctions classiques telles que la communication ou la gestion financière et administrative. La permaculture dite « humaine » (organisations humaines inspirées des écosystèmes) nous a permis de réaliser un design de notre association afin de rendre son organisation explicite et de faciliter l’intégration des nouveaux venus et la répartition des taches et fonctions associatives. Ainsi, lors d’un forum réalisé en mai 2017, les membres actifs se sont positionnés dans un ou plusieurs pôles et sous-pôles sur le design associatif par des étiquettes indiquant leurs centres d’intérêts et l’ampleur de l’implication qu’ils souhaitaient.

Enfin, des groupes se créent et se dissolvent (pilotage, projets, design, jardinage, pédagogie…) en fonction des besoins et des disponibilités des membres.

6. Description des temporalités du montage, du fonctionnement

A notre prise de contact avec le lieu, en octobre 2015, il était en grande partie recouvert de ronces et d’ailantes et souillé à certains endroits par des décharges sauvages de divers objets et matériaux, à l’exception d’une zone d’environ 1500m2 déforestée pour l’horticulture qui s’y pratiquait jusqu’aux années 1970. Aucun sentier ou escalier ne subsistait et 2 cuves de stockage d’eau étaient encore présentes, mais plus étanches. Sur cette base, nous avons entamé 3 ans de réhabilitation et d’aménagements en suivant les principes, éthiques et méthodologies de conception de la permaculture.

Un travail bénévole régulier conséquent (estimé en cumulé à plus d’un temps plein), des ateliers et une vingtaine de chantiers participatifs rassemblant en moyenne vingt personnes ont permis la mise en place d’une grande partie du design en 15 mois (rétrospective en images dans la présentation/vidéo).

Avec deux zones potagères sécurisées (une forêt-jardin et un  »keyhole »), une serre, des toilettes sèches, un système d’irrigation, un abri, un espace forestier de rassemblement/formation et un ensemble de chemins et escaliers recréés, le Jardin a reçu en 2018 ses premières sorties scolaires et souhaite obtenir l’agrément (lieu et associatif) de l’Éducation Nationale prochainement.

7. Description des paramètres humains et prospective de votre évolution

Notre projet et l’évolution que nous souhaitons qu’il connaisse mettent au centre le retissage des liens humains à des fins de résilience et de partage de connaissances. Nous souhaitons donc continuer de développer l’intelligence collective au sein de l’association en nous attachant à l’aspect organisationnel (permaculture humaine) mais aussi à la libération du pouvoir créateur et à la mise en confiance. Une entrave constatée à l’initiative individuelle (présente de notre point de vue dans le projet comme dans la société) est en effet la  »peur de mal faire », que nous souhaitons limiter par la formation, le travail en groupe et la prise de conscience de la nécessaire expérimentation (dédramatisation de l’erreur, détachement du résultat, facilitation de l’expression de la créativité).

Résilience (permanence) et partage de connaissance (pédagogie) nous amènent enfin logiquement à ce que nous appelons la perma-pédagogie. Cette approche ne se limite pas aux projets scolaires et s’étend sur les tous les ateliers, événements et formations que nous proposons aux différents publics4. Au niveau scolaire, nous souhaitons travailler cette année avec une trentaine de classes de cycle 2 (Cp, Ce1, Ce2), mais aussi expérimenter avec une classe de cycle 1 (Grande Section de maternelle) et une autre de cycle 3 (cm1-cm2 en REP+ / éducation prioritaire).

Nous continuons d’imaginer des ponts entre programmes de l’Éducation Nationale et permaculture5, afin qu’entre éducations populaire et nationale, le Jardin du Petit Pessicart devienne un centre d’expérimentation des liens entre nature, permaculture, apprentissage et bien-être des enfants et des adultes.

1 Interdependence Day, septembre 2015, avec et au Court Circuit Café (ESS, astro-physique, permaculture, etc).

2 – Démontrer la capacité de la permaculture à nourrir les hommes tout en régénérant l’écosystème,

– reconnecter enfants et adultes à la nature,

– proposer une cadre pédagogique naturel afin de donner plus de sens et de concret aux apprentissages scolaires,

– créer une bulle d’avenir à 2 pas d’un centre ville.

Les 11 principes du JPP sont : TENDRE VERS LE « ZÉRO HYDROCARBURES », CULTIVER LA BEAUTÉ, FAVORISER LES SYSTÈMES OUVERTS, CHERCHER UN MAXIMUM DE REPRODUCTIBILITE, PRATIQUER UN HUMOUR ÉCLAIRÉ, transformer les problèmes en opportunités, CULTIVER LA PATIENCE, ETRE ATTENTIF À L’INCLUSION, ASSURER LA TRANSPARENCE DES DÉCISIONS ET ACTIONS, CÉLÉBRER LA VIE, PROMOUVOIR LES ÉCHANGES ET LE PARTAGE (déterminés de façon collégiale par le groupe de design en décembre 2017).

4 A ce jour : enfants, adultes, familles, adolescents et adultes en remédiation psychiatrique, étudiants, groupes de travail en recherche de cohésion.

5 Projet pédagogique disponible sur demande à pedagogie@shilakong.org

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