Impact des enjeux écologiques et climatiques sur l’alimentation en eau de la Métropole Nice Cote d’Azur en rive gauche du Var

Luc Allard (Directeur général de la Régie Eau d’Azur, Métropole Nice Côte d’Azur)

Le littoral métropolitain en rive gauche du Var bénéficie historiquement d’une ressource en eau abondante et de grande qualité. Il le doit à sa position au pied des montagnes du Mercantour, ainsi qu’aux grands travaux réalisés par nos prédécesseurs au XIXème siècle, en l’occurrence la construction d’un canal de 30 km de long prélevant l’eau de la Vésubie à Saint Jean la Rivière, pour l’amener jusqu’à la colline de Rimiez.

Le canal reste la ressource en eau très majoritaire de la ville de Nice ainsi que des autres communes littorales métropolitaines en rive gauche du Var, et même de la Principauté de Monaco. Les champs captants de la nappe alluviale du Var (« Sagnes » et « Prairies ») complètent l’alimentation du réseau à l’ouest de Nice. Une puissante installation de pompage d’eau de surface du Var à l’embouchure du vallon du Roguez assure par ailleurs, depuis une trentaine d’années, le secours de l’alimentation des usines de traitement, en cas de défaillance ou d’entretien du canal de la Vésubie.

Carte : Ressources d’eau de la Métropole Nice Côte d’Azur en rive gauche du Var

Plusieurs éléments résultant des variations du climat ou des mesures de maintien de la biodiversité modifient la disponibilité des ressources en eau. Ils ont amené la Métropole à engager un programme d’investissement majeur pour réorganiser l’alimentation du littoral en rive gauche du Var.

En premier lieu, le régime de la rivière Vésubie a évolué ces dernières années . Même si les séries chronologiques de débit sont difficiles à exploiter du fait de la suppression d’un point de mesure en 1971 et de la création d’un autre point en 2010, la tendance est celle d’une réduction des débits en été. Ce qui ressort néanmoins clairement de la dernière décade c’est un rapprochement de l’étiage du cours d’eau de la saison estivale, et de plus en plus tôt. Vraisemblablement lié à une fonte de neige plus précoce, ce phénomène rapproche la période des plus bas débits de celle des plus fortes consommations estivales.

Tableau : Occurrence des débits minimaux sur 3 jours consécutifs – station d’Utelle Pont du Cros (source DREAL Paca)

ANNEE

Date

2011

22 oct – 24 oct

2012

24 mar – 26 mar

2013

03 déc – 05 déc

2014

19 fév – 21 fév

2015

07 sep – 09 sep

2016

25 sep – 27 sep

2017

24 aou – 26 aou

L’année 2017 a révélé quant à elle une sécheresse prolongée dans les mois d’automne. Celle-ci a affecté la réalimentation naturelle de certaines sources en montagne et provoqué quelques tensions sur l’alimentation en eau lors des vacances d’hiver 2018 (cas de la station de ski de Colmiane par exemple).

En second lieu, pour maintenir la biodiversité dans la rivière Vésubie, le débit réservé laissé dans le cours d’eau à Saint Jean la Rivière a été doublé par arrêté préfectoral en 2014, dans la période de forte consommation d’eau estivale.

Enfin, pour limiter l’impact des crues à venir, et restituer l’écoulement naturel du Var, les barrages existants sont progressivement abaissés. A ce stade, le seuil n°8 face au vallon du Roguez est concerné. Le chantier d’abaissement en cours du seuil n°8 du Var compromet le fonctionnement de la prise d’eau de secours évoquée plus haut et impose des mesures alternatives de grande ampleur.

Ainsi, la nécessité de constituer un secours alternatif à la station du Roguez, la disponibilité moindre du canal de la Vésubie et, plus largement, la volonté de la Métropole de renforcer la sécurité de l’alimentation en eau nécessitent une profonde réorganisation du système d’alimentation en eau potable et des modes de gestion.

La reprise en régie du service public de l’eau à Nice et la création d’une régie personnalisée de l’eau sur 42 communes métropolitaines

L’urgence et l’ampleur des études et travaux à déployer, la grande hétérogénéité des moyens techniques, humains et financiers entre littoral et montagne ainsi que les interférences entre les deux secteurs ont amené la Métropole à renforcer la gouvernance du service de l’eau et concentrer les moyens dans un opérateur public unique – la Régie Eau d’Azur (REA) – présent sur l’ensemble du bassin versant hydrographique en rive gauche , de Saint Dalmas le Selvage à Cap d’Ail. L’association des compétences de maîtrise d’ouvrage et d’exploitant dans l’établissement public et son administration directe par les élus représentant les différents territoires autorise une grande réactivité. La mise en place de la régie a ainsi permis à la Métropole, depuis 2014, de doubler le rythme des investissements nécessaires, de surcroît avec une vision de long terme.

Concernant le système d’alimentation en eau, un programme exceptionnel d’investissement est engagé depuis 2015 en rive gauche du Var :

Des mesures d’économie d’eau dans le haut pays.

Des compteurs individuels sont déployés dans les deux tiers des communes du haut pays encore facturés au forfait, assortis de campagnes de recherche de fuite et du renouvellement des réseaux les plus fuyards. La seule tarification proportionnelle va ramener les consommations d’eau à des valeurs communes, vraisemblablement inférieures d’au moins un tiers aux prélèvements précédents. La démarche est suffisamment conséquente pour influencer à la marge le débit d’étiage de la Vésubie.

Une restructuration des ressources et des réseaux ainsi que des mesures d’économie d’eau, dans le secteur littoral/moyen pays.

En premier lieu, le projet consiste à diminuer la dépendance du littoral en rive gauche par rapport à la seule ressource Vésubie. Les capacités de prélèvement dans la puissante nappe du Var sont développées. Un nouveau champ captant verra le jour au Roguez dans les deux prochaines années, assorti d’un renforcement des capacités de pompage dans le champ captant des Prairies. Une modification des conduites de transport du réseau accompagne le dispositif, afin de mettre celui-ci en capacité de refouler les eaux des Sagnes et Prairies vers l’est et le nord-est du secteur littoral rive gauche. A l’échéance d’une dizaine d’années, celui-ci constituera un vaste secteur interconnecté capable d’être alimenté par la nappe du var ou par le canal de la Vésubie .

En parallèle, une mesure emblématique consiste à préserver et réhabiliter le canal de la Vésubie. Il s’agit de maintenir une deuxième ressource d’eau de qualité – qui plus est gravitaire – pour assurer la sécurité d’alimentation du littoral. Il s’agit aussi de supprimer les importantes pertes d’eau sur les 30 km du canal : en l’espèce, près de 10 % des volumes prélevés, soit de l’ordre de 5 millions de mètres cubes sont « perdus » chaque année . L’importance et la complexité des investissements et de leur réalisation ont repoussé ces travaux depuis des décennies, jusqu’à imaginer, il y a plus d’une dizaine d’années, d’abandonner le canal au profit des seules ressources du Var.

La volonté métropolitaine, assortie des nouvelles capacités apportées par la Régie Eau d’Azur, a permis d’engager ces travaux et notamment de réaliser l’une des étapes les plus délicates : la réhabilitation du canal sous le village perché de la Roquette sur Var. D’autres opérations seront programmées dans les secteurs plus « fuyards » du canal ainsi que des recherches de fuites et renouvellements conséquents sur le réseau de distribution.

Photo : accès du canal de la Vésubie dans le tunnel réhabilité de la Roquette sur Var

Conclusion

La Métropole Nice Côte d’Azur est confrontée comme ailleurs aux effets des modifications climatiques sur ses ressources en eau. Elle dispose encore de réserves significatives avec la nappe du Var, mais les adaptations de son système d’alimentation en eau seront très importantes et coûteuses dans les dix prochaines années. Au-delà de l’importance des travaux à réaliser, des modifications des comportements de consommation seront indispensables, tant de la part des usagers domestiques que des professionnels et des services urbains. La Métropole permet une coordination efficace des moyens parmi les activités dont elle exerce la compétence. Des pistes telles que l’adaptation des espèces végétales à des climats plus secs ou la réutilisation des eaux usées traitées 1 offrent des perspectives.

L’avenir verra également l’opportunité de réaliser l’interconnexion entre les deux rives du Var afin de ménager la possibilité d’un secours mutuel.

Enfin, l’enjeu de l’alimentation en eau potable reste indissociable de celui de la production d’énergie, compte tenu de la géographie métropolitaine. Les microcentrales hydroélectriques (tant sur l’eau brute que sur l’eau traitée) vont ainsi par exemple permettre à la régie Eau d’Azur de passer en configuration d’énergie positive dès 2019.

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