Nathalie Lazaric (Directrice de Recherches CNRS, GREDEG – Groupe de Recherche en Droit, Économie, Gestion)
La région SUD PACA est caractérisée par une forte croissance démographique, tant au niveau des agglomérations qu’au niveau des zones rurales. Il en découle des tensions importantes sur l’approvisionnement énergétique, amplifiées, d’une part, par une fragilité du système électrique et, d’autre part, par la forte consommation locale et le développement rapide de l’urbanisation. La région est, par conséquent, en dépendance énergétique. En effet, si la consommation de la région SUD PACA représente 8 % de la consommation nationale, sa production énergétique primaire représente 1 % de la production nationale, ce qui permet de couvrir seulement 10 % de sa consommation effective. Cette situation est souvent jugée critique et accentue les tensions sur l’approvisionnement électrique, la région, et plus précisément les Alpes-Maritimes, étant par ailleurs en situation de péninsule électrique car située en « bout de réseau ». Au niveau des principaux postes de consommation (cf. Figure 1), le secteur industriel (33 % au niveau local contre 19 % au niveau national) est prédominant du fait de la présence de grandes infrastructures, telles que l’Etang de Berre, qui contribue à accroître fortement la consommation énergétique.
Figure 1 : Consommation d’énergie finale par secteur d’activité (Source : ORECA)
Consommation régionale Consommation nationale
Par ailleurs, le secteur des transports (35 % ) est le principal consommateur d’énergie et représente le principal poste d’émissions des gaz à effet de serre. Le transport routier est, en 2016, responsable de plus de 52 % des émissions d’oxydes d’azote NOx et de 32 % de celles de particules fines PM2.5. Le principal émetteur des particules fines est le secteur de l’habitat et du tertiaire (36 % ). Au niveau de la consommation énergétique de l’habitat et du tertiaire, le chauffage représente 75 % de la consommation. Ce poids très important du chauffage est une caractéristique régionale liée à la faible performance énergétique locale et la surreprésentation des chauffages électriques. La vétusté de l’équipement énergétique (équipement en double vitrage insuffisant dans les bâtiments collectifs, et réhabilitations thermiques très en retard par rapport au niveau national), conjuguée à un taux de pauvreté élevé dans la région, conduisent à une précarité énergétique qui devrait être une priorité en matière de politique publique locale pour les partenaires publics et privés. En 2012, 16,9 % des ménages vivent en dessous du seuil de pauvreté. La région SUD PACA est la troisième région touchée par la pauvreté, derrière la Corse et le Nord-Pas de Calais. Un ménage sur huit vit en situation de vulnérabilité énergétique en 2012, selon les données de l’INSEE. Cette vulnérabilité touche les logements anciens chauffés au fioul et à l’électricité. La rénovation des logements anciens, l’amélioration thermique des logements sociaux et le remplacement des chauffages énergivores sont aussi les principaux enjeux de la transition écologique et énergétique de la région.
Au niveau de la production régionale d’énergie, fortement dépendante de l’approvisionnement national, il existe d’importantes singularités. La production hydraulique reste importante et constitue 58 % de la production locale, le second poste étant le bois (27 %) et le photovoltaïque (8 % ), ainsi qu’on peut le voir dans la Figure 2 ci-dessous.
Figure 2 : Production régionale d’énergie primaire par filière en 2016 (Source : ORECA)
La production hydraulique est principalement réalisée par les barrages construits sur la Durance et le Verdon. Ces barrages, édifiés après la seconde guerre mondiale pour alimenter la région, n’ont pas connu de véritable essor. Comme on peut le constater dans le tableau suivant (Tableau 1), la part de l’hydraulique est en baisse constante ces dernières années. Ces barrages sont aussi fortement controversés. Représentant, pour les uns, une énergie verte, ils sont aussi décriés, par d’autres, comme néfastes pour l’environnement et pour les milieux aquatiques. Ils sont dans tous les cas à l’interface des préoccupations environnementales actuelles : l’eau et l’énergie.
Tableau 1 : Situation de l’hydroélectricité en Provence-Alpes-Côte d’Azur (Source : ORECA)
Nombre de grands barrages |
21 |
Nombre de petites centrales |
143 |
Puissance installée |
3 222 MW |
(Source RTE) |
2009 |
Production (en Gwh) |
10 010 |
Si le bois reste une filière très dynamique pour la région et représente 27 % de la production locale, il est intéressant de souligner le fort essor des installations photovoltaïques (cf Tableau 2) qui fournissent 8 % de la production locale. La filière a bénéficié d’importants soutiens institutionnels, ce qui a permis à la région SUD PACA d’être la deuxième région solaire en France raccordée au réseau. L’énergie solaire thermique, qui consiste à capter l’énergie du soleil pour produire de la chaleur (l’eau chaude ou le chauffage pour les particuliers) constitue une énergie d’appoint. Le Tableau 3 montre son essor récent, soutenu par d’importants dispositifs locaux, ce qui explique sa diffusion récente en termes de surfaces installées.
Tableau 2 : Installations photovoltaïques raccordées (Source : ORECA)
Année |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 (au 30/03) |
Nombre d’installations |
25 370 |
27 758 |
29 932 |
31 892 |
32 944 |
33 938 |
34 842 |
35 184 |
Puissance (MW) |
385 |
531 |
664 |
766 |
870 |
945 |
1 111 |
1 147 |
Tableau 3 : Le solaire thermique collectif en Provence-Alpes-Côte d’Azur (Source : SOeS de ORECA)
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
Surface installée (m²) – Collectif |
22 986 |
26 193 |
26 999 |
28 077 |
29 286 |
29 911 |
30 441 |
30 558 |
Nombre d’installations collectives |
385 |
443 |
469 |
487 |
508 |
518 |
520 |
525 |
Surface installée (m²) – Individuel |
81 275 |
ND |
ND |
ND |
ND |
ND |
ND |
ND |
Surface installée (m²) – Total |
158 000 |
178 000 |
195 000 |
221 000 |
240 000 |
252 000 |
ND |
ND |
Pour conclure, il faut souligner que si l’offre reste très tournée vers les énergies renouvelables, elle est insuffisante (voire dérisoire) pour faire face à la croissance des besoins locaux. La transition écologique passe donc par une maîtrise de la consommation locale à travers une diversité des sources d’approvisionnement et une amélioration de la performance énergétique des bâtiments. Un effort important doit, par ailleurs, être réalisé au niveau des infrastructures de transport, encore largement insuffisantes et conduisant à augmenter les émissions de gaz à effet de serre. Enfin, la transition écologique requiert une attention aux disparités sociales et la nécessité d’inscrire cette question dans la conduite des politiques publiques pour réduire la précarité énergétique, accroître les infrastructures publiques et préserver la cohésion sociale du territoire.
Sources : ORECA (Observatoire régional de l’énergie et du climat) ; INSEE, « Provence-Alpes-Côte d’Azur est la troisième région touchée par la pauvreté », dossier Provence-Alpes-Côte d’Azur, 4 juin 2016 ; Rapport ELPE (État des lieux de la précarité énergétique) 2011.