Archives de catégorie : Solidarités

Lutter contre le gaspillage alimentaire avec les Éco-Charlie

Par Emilie Ceccato

QU’EST-CE QUE L’ASSOCIATION « LES ÉCO-CHARLIE » ?

« Les Éco-Charlie » est une association à but non lucratif (Loi 1901), créée en 2016 à Paris, dans le but de lutter contre le gaspillage alimentaire et plus largement promouvoir l’éco-citoyenneté et le bien vivre ensemble.

Nous sommes un groupe d’amis ayant décidé de combiner nos convictions et nos compétences afin d’agir localement au service d’une lutte qui nous semble déterminante pour notre avenir et celui de la planète : le gaspillage alimentaire. Nous récupérons les invendus alimentaires des enseignes Bio pour en faire bénéficier des personnes en situation de précarité et d’isolement social. Notre action de proximité nous permet de toucher des populations dans le besoin et de créer du lien social. Venus de tous horizons et avec des expériences très diverses, nous sommes persuadés de pouvoir avoir un impact positif au niveau local. Bénéficiant de l’adoption de la loi n°2016-138 du 11 février 2016 (qui régit – entre autres – les conditions de dons des distributeurs du secteur alimentaire et encourage ces derniers à faire don de leurs invendus alimentaires propres à la consommation humaine à toute association proposant de récupérer ces dits invendus), nous avons commencé notre action contre le gaspillage alimentaire à Paris.

Un an plus tard, nous avons pu étendre nos actions à Nice avec une dizaine de nouveaux bénévoles. Ainsi, en se rassemblant, en s’informant et en agissant ensemble, dans le cadre d’une association loi 1901, nous souhaitons que nos actions aient un impact positif sur la population qui nous entoure.

LES ACTIONS DE L’ASSOCIATION

Partant du constat que le monde associatif autour de la grande précarité était suffisamment bien organisé, nous avons décidé d’orienter notre action autour de ceux que l’on nomme « les précaires invisibles ». Ce sont des personnes en situation de précarité qui connaissent des difficultés à se nourrir convenablement (tant sur la quantité, la qualité que sur la diversité) : travailleurs pauvres, femmes seules avec des enfants, chômeurs de longue durée ou encore personnes isolées. Parce que nous refusons l’assistanat, nous avons mis en place le concept des « Éco-Paniers ». Ainsi, tous nos bénéficiaires sont avant tout eux-mêmes les acteurs de la lutte contre le gaspillage alimentaire et nous les intégrons à part entière au processus global de récupération d’invendus, appelé les « récoltes ». Les récoltes Éco-Charlie, basées sur un modèle inclusif se déroulent en plusieurs temps :

La tournée : nous faisons le tour des magasins partenaires à Paris et à Nice, entre 18h00 et 18h30, horaire convenu avec les magasins en amont. La collecte : nous récupérons des denrées alimentaires à l’aide de sacs à dos et de chariots auprès des gérants de magasin. Le tri : nous réalisons un tri et une répartition des denrées par nature (produits laitiers, fruits, légumes, céréales…) dans un local qui nous est gracieusement prêté pour nos récoles hebdomadaires. Le partage équitable : sur une grande table du partage, dans le respect mutuel et la bonne entente, chaque récoltant vient remplir son éco-panier de manière équitable en fonction de ses besoins et ceux de ses coéquipiers de récolte. De plus, une partie des récoltes est réservée à des associations caritatives, qui vont pouvoir transformer les aliments en repas pour les plus démunis. Cela permet aux bénéficiaires d’être soutenus mais aussi d’aider en retour. Aujourd’hui, nous réussissons à avoir un triple impact positif : lutte contre le gaspillage alimentaire, aide aux personnes dans le besoin et lien social. Nous valorisons des produits qui étaient destinés à la poubelle en les rendant accessibles gratuitement à des personnes en difficulté et en sortant de la démarche classique d’assistanat : les bénéficiaires de notre action participent eux-mêmes à la récupération de nourriture, ce qui les positionne de manière responsable dans l’association, face au gaspillage, face à leurs difficultés ou à celles des autres. De plus, nos actions permettent une mixité et un lien social rare entres personnes qui n’auraient eu que peu d’autres occasions de se lier ainsi, d’égal à égal, abolissant ainsi les positions stigmatisantes d’assistant/assisté.

Association Les Éco-Charlie | Le groupe local niçois

QUELQUES CHIFFRES

Nous avons débuté les récoltes d’invendus alimentaires d’alimentation biologique au mois de mai 2017 dans le quartier de Garibaldi et aujourd’hui nous récupérons dans 7 magasins biologiques de Nice. Les récoltes s’effectuent 3 fois par semaine (lundi, mercredi et vendredi) et sont redistribuées aux récoltants, au nombre de 17 par récolte. Nous comptons environ 60 récoltants actifs et 200 adhérents dans les Alpes Maritimes. Nous reversons aussi une partie de nos invendus à plusieurs associations locales. Une partie de nos récoltes de la semaine est réservée à l’association « Un geste pour tous » qui les transforme en repas chauds pour faire des maraudes auprès de personnes dans le besoin. Nous reversons également les aliments secs et produits pour bébé à l’association « Habitat et Citoyenneté », intervenant auprès de migrants.

Nous récoltons les invendus de la boulangerie bio « La Baguette magique » à Nice nord, les jours de semaine à 19h30 et le dimanche à 13h30, soit aux heures de fermeture. Chaque soir, nous redistribuons ces invendus (pains, pizzas, viennoiseries, pâtisseries) à des associations telles que « Soupe de nuit » ou « MIR » directement lors de leurs maraudes dans le quartier de la Libération ou encore à « La Zonmé ». Nous distribuons parfois directement aux personnes en situation de précarité dans la rue.

Association Les Éco-Charlie | Nos idées & convictions

A TRAVERS NOS ACTIONS, NOUS LUTTONS

Contre le gaspillage alimentaire : les aliments ont le statut de déchets alimentaires mais sont pourtant encore consommables ; Contre la “mal-alimentation” : ces bénévoles ont accès à une qualité alimentaire à laquelle ils ne peuvent financièrement prétendre; Contre la précarité et l’exclusion sociale : les “récoltants” vont nouer des liens et pouvoir échanger avec d’autres personnes qu’ils auront l’habitude de voir tout en récupérant de la nourriture pour la semaine; Pour une réinsertion sociale : les récoltants sont les acteurs de notre action et de leur émancipation. Pour un circuit court : les récoltes se font à pied ou à vélo, à l’échelle d’un quartier pour limiter l’empreinte carbone.Après ces deux expériences réussies, nous souhaitons aujourd’hui pouvoir dupliquer le modèle dans plusieurs quartiers de Paris et dans d’autres grandes villes de France.

Les opportunités offertes par le tourisme adapté, l’exemple du tourisme accessible aux personnes en situation de handicap

Mai-Anh NGO

Docteur et HDR en droit privé, Ingénieur de recherche,

Université Côte d’Azur, CNRS, GREDEG, France

ngo(à)gredeg.cnrs.fr

Il semblait pertinent d’évoquer la question du handicap dans ces assises de la transition écologique et citoyenne parce que, par nature, la question du handicap touchait l’idée de solidarité, mais aussi celle du développement durable.

Le rapport Brundtland en 1987 est le premier à avoir conceptualisé la notion de développement durable. Le texte définit un développement durable « comme un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs »1. Cette formule avait pour objectif de chercher la conciliation entre le développement économique, la protection de l’environnement et la solidarité sociale.

Il connait de nombreuses applications, mais repose toujours sur ses trois piliers fondamentaux : l’économie, l’environnement et le social. Le volet social est le plus souvent négligé. Cependant, il est incontestable que le concept de développement durable comporte une telle dimension. Le rapport Brundtland précise «  que le développement soutenable présuppose un souci d’équité sociale entre les générations qui en toute logique doivent l’étendre à l’intérieur d’une même génération »2.

Appliqué au cas particulier des personnes en situation de handicap, le développement durable a donc pour effet de redessiner des nouveaux rapports sociaux envers ces personnes. Le principe d’inclusion largement utilisé à propos des personnes en situation de handicap est également consubstantiel au développement durable puisqu’il s’agit de la conciliation et de l’interconnexion des logiques sociales, environnementales et économiques du développement durable.

La question de l’inclusion des personnes en situation de handicap couvre tous les champs de la vie. Dans le cadre de cette manifestation, il est cependant particulièrement intéressant de se concentrer sur l’exemple du tourisme. Ceci pour plusieurs raisons : premièrement la question du tourisme adapté est novatrice d’un point de vue scientifique, deuxièmement le département des Alpes-Maritimes a fait du tourisme un axe majeur de développement avec ses 11 millions de touristes par an, troisièmement le département est déjà sensible au tourisme sénior qui constitue un facteur important de la Silver économie. Or, les seniors rencontrent les mêmes problèmes de perte d’autonomie que les personnes en situation de handicap. Il s’agit d’une problématique commune à ces deux publics, que pourrait satisfaire le tourisme adapté.

Pour comprendre la problématique du tourisme adapté, il faut d’abord s’intéresser au concept d’accessibilité qui reste une question centrale, avant d’entrer dans les détails de sa mise en œuvre en matière touristique.

I. L’accessibilité : une question centrale du tourisme adapté

L’importance de l’accessibilité est évidente pour les personnes en situation de handicap, mais aussi pour la société en général. L’accessibilité, prise comme un concept de gouvernance, peut participer au mieux-être de tous. Au-delà de cette importance sociétale générale, il conviendra ensuite de s’intéresser au secteur concerné par la question de l’accessibilité en matière de tourisme adapté.

  • L’accessibilité une problématique allant bien au-delà des personnes en situation de handicap

La question de l’accessibilité est une question centrale pour plusieurs raisons. Premièrement, l’accessibilité « sert de clé pour déverrouiller les multiples constructions sociales qui conduisent à l’exclusion des personnes handicapées et au déni de leurs droits respectifs »3. Deuxièmement, la question de l’accessibilité ne concerne pas uniquement les personnes en situation de handicap. Une meilleure accessibilité participe au mieux-être de tous et non pas uniquement aux personnes en situation de handicap. Cela est illustré par la notion de conception universelle qui implique « la conception de produits, d’équipements, de programmes et de services qui puissent être utilisés par tous, dans toute la mesure possible, sans nécessité ni adaptation, ni conception spéciale »4. « La notion de conception universelle contribue à une conception davantage axée sur l’usager en suivant une démarche globale et en cherchant à satisfaire les besoins des personnes de tous âges, tailles et capacités, quelles que soient les situations nouvelles qu’elles pourront être amenées à connaître au cours de leur vie »5.

Si on en revient au domaine du tourisme, cette idée d’évolution au cours de la vie n’est pas sans rappeler la démarche intergénérationnelle que peut présenter le tourisme durable. Le tourisme durable est défini par l’organisation mondiale du tourisme comme « un tourisme qui tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, en répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels, de l’environnement et des communautés d’accueil »6.

Les développements précédents ont permis de montrer l’intérêt d’un tourisme inclusif qui répond à la fois aux besoins des personnes en situation de handicap, mais pas uniquement à cette frange de population. Les réponses du tourisme inclusif pour les personnes en situation de handicap pouvant également servir les intérêts d’un tourisme senior, d’un tourisme durable, d’un tourisme plus solidaire.

  • L’accessibilité appliquée au tourisme adapté

La question de l’accessibilité du tourisme inclusif se pose dans de nombreux champs. Premièrement celui du cadre bâti, cela pose la question de l’accessibilité des établissements recevant du public, avec une difficulté supplémentaire lorsqu’on s’intéresse à la culture et une potentielle incompatibilité avec le patrimoine historique. Deuxièmement, les transports comprenant l’ensemble de la chaîne de déplacement dont notamment les transports publics. Troisièmement, la question des services liés aux visites touristiques, telles que l’accessibilité des visites guidées. Quatrièmement, les nouvelles technologies et l’accessibilité des sites Internet sur lesquels se trouvent les informations touristiques.

Voici un tableau synthétique reprenant l’ensemble des contraintes environnementales se posant à une personne en situation de handicap qui souhaite partir en vacances

À travers ce rapide exemple et ce tableau, on voit que le tourisme est soumis à la même réglementation générale concernant l’accessibilité que les autres secteurs d’activité, mais qu’il est nécessaire pour assurer sa mise en œuvre de mettre en place des outils spécifiques permettant de faciliter les démarches du touriste en situation de handicap.

C’est l’analyse de ces mécanismes qui va être réalisée à présent. L’étude va se concentrer sur trois labels : « tourisme et handicap », « handiplage » et « destination pour tous »

II La mise en pratique d’un tourisme inclusif dans les Alpes-Maritimes : des difficultés, mais surtout des opportunités

L’Insee estime à 77 % la part des personnes handicapées partant au moins une fois dans l’année à plus de 80 kilomètres de chez elles. Toujours selon l’Insee, 20 % de ces personnes aimeraient partir plus souvent. La durée moyenne du séjour est d’un peu moins de deux semaines, ce qui est bien supérieur au marché de la population sans handicap. Le budget moyen est estimé par l’Insee dans une fourchette de 300 à 650 Euros par personne, sachant qu’en moyenne il y a 2,5 accompagnants7

L’opportunité semble évidente pour notre département hautement touristique. Cependant, sur ce sujet, il existe un retard, mais une prise de conscience semble s’être opérée et les professionnels du tourisme saisissent à présent les perspectives intéressantes offertes par ce nouveau marché.

  • Un retard à combler

Malgré l’intérêt évident d’un tourisme inclusif, le département accuse un réel retard sur cette question. À titre d’exemple, à Nice comme à Cannes, seul un hôtel est labellisé « tourisme et handicap » pour l’ensemble des quatre handicaps (auditif, mental, moteur, visuel).8 Ce label est très intéressant pour cette étude car il garantit d’une part une « information fiable, descriptive et objective de l’accessibilité des sites et équipements touristiques en tenant compte de tous les types de handicaps et d’autre part vise à développer une offre touristique adaptée et intégrée à l’offre généraliste »9. Il a été choisi de soulever les difficultés rencontrées en matière d’hébergement car la question de l’hébergement est fondamentale dans la mesure où elle conditionne le fait pour une personne en situation de handicap de rester sur le lieu de villégiature. Ceci est d’autant plus important que statistiquement le touriste en situation de handicap demeure plus longtemps en vacances que la moyenne et sur des périodes creuses. Sur l’ensemble du département ce sont 88 sites qui ont été labellisés ; parmi ces sites, on compte les hébergements, les structures d’information, les loisirs, la restauration et les lieux de visite.10

  • Des opportunités à saisir

Il convient cependant de mettre en exergue de belles initiatives qui démontrent la volonté du département de réellement prendre en compte l’accessibilité. Ainsi, il est possible de souligner l’obtention d’un prix par la ville de Cap-d’Ail notamment grâce à l’accessibilité du sentier des douaniers aux personnes en situation de handicap. Il convient de mettre en lumière le véritable effort du département de rendre la montagne accessible et d’ouvrir ainsi de nouvelles zones touristiques à un public qui en a été jusqu’à présent exclu. Ceci notamment par la mise à disposition de Jöelettes permettant des randonnées en montagne,11 de clubs développant le Fauteuil Tout Terrain12 ou de matériel de ski pour la saison hivernale avec des journées d’initiation et de prêt du matériel13.

Il faut remarquer également que le département est en avance en ce qui concerne la labellisation plage Handiplage. Celle-ci « permet de donner une information fiable aux usagers sur l’équipement du site, et d’apporter une sécurité à la personne handicapée. L’association a décidé de délivrer aux plages un label de quatre niveaux proposés en fonction des équipements et aménagements des sites : handiplagistes, sanitaires, vestiaires, système audio-plage pour les non-voyants…»14. Il y a quatre niveaux de reconnaissance handiplages. Les quatre étoiles étant le meilleur niveau d’accessibilité. Sur les huit plages labellisées au niveau 4 sur le territoire national, quatre plages se situent dans le département : Bijoux plage, plage du Tiercé, plage de la Salis, plage du Ponteil.

Les réalisations dans le secteur de la culture doivent également être mises en lumière, notamment le festival l’Entre2marche à Cannes qui est un festival international du court et long métrage sur le thème du handicap qui valorise les personnes en situation de handicap à travers des réalisations cinématographiques.15

Il faut souligner l’importance de la valorisation d’une politique d’accessibilité à travers des labels et des certifications. Ces démarches permettent d’offrir des garanties aux touristes en situation de handicap qui sont ainsi rassurés et se déplacent sur les sites labellisés.

Au-delà de la nécessité de multiplier les demandes de labellisation « tourisme et handicap », il serait intéressant que le département s’engage dans une démarche de labellisation « destination pour tous »16 qui mettrait en exergue un effort collectif d’accessibilité. Ce label récompense un séjour prolongé inclusif pour tous, habitants du territoire ou visiteurs extérieurs, tenant compte de toutes les situations de handicap. La simplification récente du dispositif en 2018 encourage encore plus à tenter cette démarche.

Le tourisme adapté représente une véritable opportunité, et non pas seulement une contrainte, pour un développement encore plus important de ce domaine d’activité.

Bibliographie

Amiaux D., 2012, Tourisme et handicap : culture du handicap, expériences des territoires et de l’habitat touristiques et émergence de nouveaux espaces pédagogiques pour tous, in G. Brougère et G. Fabbiano (dir.), Tourisme et apprentissage, 2012, p. 14.

Brundtland G. H., 1987, Notre avenir à tous, Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’Organisation des Nations unies, Oxford University Press, 1987, 383 p.

Schulze  M., 2010, Comprendre la convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, Handicap international, 2010.

Zeghni S., 2004, L’impact économique du handicap sur le secteur du tourisme, Juris tourisme 2014, n°168, p. 22.

État des lieux : les inégalités sociales de santé dans le département des Alpes-Maritimes

Lionel LE GUEN, Président MGEN des Alpes-Maritimes

Serge SCHIANO DI COLELLO, Directeur MGEN des Alpes-Maritimes

Emmanuelle RUDIO, Déléguée MGEN des Alpes-Maritimes

De quoi parle-t-on ?

En France, on note une amélioration globale de la santé et une amélioration de l’espérance de vie en constante augmentation et la France se situe au-dessus de la moyenne européenne en matière d’espérance de vie en bonne santé. Ainsi, entre 2005 et 2015, l’espérance de vie des hommes a progressé de 2,2 ans et celle des femmes de 1,2 an, pour atteindre respectivement 78,9 et 85,0 ans1. Pourtant, malgré ces indicateurs positifs, la France est, parmi les pays d’Europe de l’Ouest, le pays où l’on note des inégalités de mortalité parmi les plus importantes. Ces inégalités sont persistantes et s’aggravent au fil des ans.

Ces inégalités face à la santé sont sociales et liées à l’accès aux soins (absence de mutuelle, dépassement d’honoraires, discrimination par refus de soins à des bénéficiaires de la CMU). Mais cette première cause n’est pas la principale contrairement à ce que l’on pourrait penser. Elles sont en effet directement liées à la position qu’occupent les individus dans la hiérarchie sociale. Ainsi, en France, un cadre de 35 ans peut espérer vivre 10 ans de plus qu’un ouvrier, sans limitation fonctionnelle.

Les inégalités varient également selon les territoires et trouvent leur origine dans les conditions de vie construites dès l’enfance, à travers différents facteurs tels que l’éducation, l’emploi, le logement. Ainsi, à âge égal, le taux de mortalité prématurée des hommes sans diplôme est multiplié par 2,5 par rapport à ceux ayant fait des études supérieures. Pour les femmes, il est de 1,9².

Le schéma ci-dessous explique comment les différents déterminants de la santé interagissent entre eux3 :

Qu’en est-il dans les Alpes Maritimes ?

Les caractéristiques de notre département en matière d’accès aux soins et de santé publique peuvent être résumées ainsi : une surreprésentation des médecins spécialistes et chirurgiens4, un taux de pauvreté en augmentation, des pratiques discriminatoires avérées concernant les patients bénéficiaires de la CMU, un taux de renoncement aux soins plus élevé que la moyenne nationale, une population dense concentrée sur le littoral et clairsemée dans l’arrière-pays, une pression immobilière forte.

Une répartition inégale des professionnels de santé :

Cette inégalité est territoriale.

Surreprésentation des médecins spécialistes libéraux :

On dénombre 83,5 médecins spécialistes pour 100.000 habitants dans les Alpes-Maritimes, alors que la moyenne nationale est de 49. Une très forte proportion d’entre eux pratique le dépassement d’honoraires.

Surreprésentation des chirurgiens libéraux :

On dénombre 44 chirurgiens pour 100.000 habitants dans notre département, là où la moyenne nationale est de 27. 92% d’entre eux sont en secteur 2.

Un renoncement aux soins parmi les plus élevés de France5 :

Des enquêtes teasing de Médecins du monde révèlent des pratiques discriminatoires concernant les patients bénéficiaires de la CMU et un renoncement ou report des soins qui toucherait 1/3 des patients dans le département6.

Sur 2814 personnes interrogées, 878 ont déclaré avoir renoncé aux soins au cours des 12 derniers mois. Le taux de renoncement aux soins dans les Alpes-Maritimes figure parmi les plus élevés en France, il arrive en deuxième position parmi les 22 départements français où il a été mesuré7.

Une population caractéristique8 :

– 92% de la population PACA vit dans des communes urbaines

– Une population plus âgée que la moyenne nationale

– Précarité et inégalités socio-économiques importantes

Un taux de pauvreté élevé9 :

En 2015, ce taux s’élevait à 15,2% alors qu’en France, il était de 14,3%.

Quelles solutions les Mutuelles peuvent-elles proposer ?

La raison d’être des Mutuelles est l’accès à la santé. À ce titre, les Mutuelles de santé financent la CMU permettant l’accès à tous à une complémentaire santé et mettent en place des réseaux de soins et des Centres Médicaux et Dentaires.

À Nice, un Centre Médical et Dentaire accessible à tous sans dépassement d’honoraires

Depuis sa création il y a plus de 70 ans, la MGEN a pour objectif de faciliter l’accès aux soins pour tous et créé des Etablissements de santé. À Nice, et à l’instar de ce qui est pratiqué à la Mutualité Française avec les Services de Soins et d’Accompagnement Mutualistes (SSAM), la MGEN est propriétaire du Centre Médical et Dentaire situé 17 rue Robert LATOUCHE.

Plus de 300 rendez-vous médicaux y sont planifiés chaque jour auprès des 52 médecins généralistes et spécialistes qui y officient.

Ce Centre Médical et Dentaire offre à tous les assurés sociaux sans distinction, un accès à toutes les disciplines de médecine, d’orthoptie, d’orthodontie, ainsi qu’à des soins dentaires et d’implantologie. Il est d’ailleurs possible de prendre rendez-vous en ligne grâce au lien suivant :

https://www.mgen.fr/etablissements/centres-medicaux-et-dentaires/centre-de-nice/prendre-un-rendez-vous/

L’assuré social qui se fait soigner au Centre Médical de Nice bénéficie du tiers payant s’il peut justifier de son adhésion au dispositif « médecin traitant », en présentant sa carte vitale et mutuelle. Le Centre Médical de Nice applique les tarifs de secteur 1 fixés par la Caisse Primaire d’assurance maladie et n’applique aucun dépassement d’honoraires. Ce dispositif permet un accès aux soins au plus grand nombre. Il contribue ainsi à réduire le taux de renoncement aux soins. Les inégalités sociales de santé ne sont pas une fatalité et les Mutuelles de santé, aux côtés de l’assurance maladie, apportent des solutions pour contribuer à les réduire.

Références

1 https://www.gouvernement.fr/indicateur-esperance-de-vie

2 Basset B. (sous la direction de). Agences régionales de santé. Les inégalités sociales de santé. Saint-Denis : INPES, coll. Varia, 2008 : 208 p.

3 D’après Dahigren et Whitehead (1991)

4 Chiffres clés 2016, ARS PACA

5 Baromètre du renoncement aux soins, observatoire du non-recours aux droits et services – août 2017

6 Programme Territorial de Santé des Alpes-Maritimes, orientations stratégiques – ICARS

7 Baromètre ODENORE – Observatoire des non-recours aux droits et aux services – 2017

8 Plan pour renforcer l’accès territorial aux soins

9 PRAPS 2018-2023 – ARS PACA

Actions menées dans le département avec des migrants en cours d’intégration

Par Teresa Maffeis, Association pour la démocratie à Nice

L’aide aux sans-papiers : permanences, Préfecture et Tribunal

L’ADN (Association pour la démocratie  à Nice – dont je suis membre fondatrice en 1992) fait partie des membres actifs du Comité de Vigilance des Alpes Maritimes (COVIAM), fondé en 1993 afin de dénoncer les atteintes aux droits des étrangers installés en France. Ses permanences se tiennent à Nice, Cannes et Grasse, afin d’assister les étrangers lors de leurs demandes de régularisation auprès de la Préfecture. Ces permanences hebdomadaires sont gratuites et assurées par des bénévoles. Par exemple, en raison du durcissement de la législation, de plus en plus restrictive, j’accompagne chaque mercredi les requérant-e-s à la préfecture, qui bafoue souvent les textes, et nous oblige à la vigilance. Ceci implique également de participer à de nombreuses formations juridiques qui permettent d’argumenter et de rétablir les étrangers dans leurs droits.

L’aide aux réfugiés : humanitaire et juridique

à Vintimille

Les mouvements migratoires récents (depuis 2015) ou immédiatement postérieurs au Printemps Arabe nécessitent une forte implication sur le terrain en Italie et en France, là où de nombreux réfugiés affluent. 
En effet, déjà en 2011, mais surtout depuis le 15 Juin 2015, la France ferme sa frontière à Vintimille pour bloquer le passage des migrants venus d’Italie. Sur les rochers, à quelques mètres de la frontière, s’organise un camp de lutte contre cette fermeture où se rencontrent migrant.e.s et solidaires.

Depuis l’expulsion du camp fin septembre 2015, la lutte continue tant bien que mal. La répression contre les migrants prend de nouvelles formes comme les rafles massives et les déportations vers le sud de l’Italie et la Sardaigne. Présente sur tous les campements de fortune sans cesse évacués et reformés, je participe, outre l’aide humanitaire, en donnant des cours de français, ou en informant les personnes sur leurs droits, aidée par des avocats italiens présents sur place. Une coordination s’instaure sur l’accompagnement des personnes qui réussissent à passer la frontière. Ceci consiste non seulement à les accueillir à Nice, mais aussi à organiser la suite de leur voyage vers les destinations choisies, souvent pour rejoindre des membres de leurs familles ou des pays où sont installées leurs communautés.

L’image d’une France accueillante est très répandue chez les réfugiés qui nous citent souvent la devise de la France « Liberté, Égalité, Fraternité », et sont tellement convaincus que la France va les accueillir. Il nous est bien difficile de briser leur rêve de France. Depuis la fermeture de la frontière en juin 2015, dix-neuf réfugié.e.s ont péri en tentant de la franchir. Présente dans les campements, j’essaie de les mettre en garde des dangers, mais leur désir de partir est tel…

Pour eux et elles, la loi n’est encore pas respectée. Celle-ci précise qu’arrivés sur le territoire français, les réfugiés ont droit à un jour franc pour demander l’asile. J’ai rencontré de nombreux mineurs, dont certains très jeunes, qui se sont fait refouler illégalement en Italie alors que L’article 20 de la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant énonce que « tout enfant » privé de son milieu familial ou en danger au sein de celui-ci a droit à une protection. Aucune condition de nationalité ni d’origine n’est donc prévue. 
Les associations locales s’organisent pour faire respecter ces droits, et je fais partie des nombreux observateurs qui, en coordination avec les avocats, participent à des veilles depuis les postes locaux de la police aux frontières (PAF) de Menton, au sein de la CAFFIM – (Coordination des Associations de la Frontière Franco-Italienne pour les personnes Migrantes). Ces observations, effectuées également dans les gares du littoral, ont permis notamment à des mineurs isolés d’être pris en charge par le foyer de l’enfance, mais on peut craindre qu’en absence de vigilance citoyenne, les atteintes aux droits des personnes continuent.

Beaucoup de mineurs qui arrivent à Nice sont hébergés en hôtel par l’administration, en attente de leur majorité, ou dans des foyers. Mais ils veulent souvent soit aller dans d’autres villes, soit rejoindre leur famille. Nous les aidons à prendre le train en payant leurs billets, leur donnons un téléphone afin de leur permettre de nous contacter en cas de problème et de nous confirmer leur arrivée. Avant leur départ, nous nous assurons qu’ils ont bien un point de chute et contactons leurs parents ou hébergeurs. Certains nous  donnent encore régulièrement de leurs nouvelles. Pour ceux et elles qui restent à Nice, associations et avocats, au sein de la CAFFIM, se mobilisent pour le respect du droit et la protection des enfants étrangers. Une permanence leur sera dédiée.

En outre, je suis souvent contactée par des associations d’autres villes qui me signalent des jeunes arrivés dans notre département et qui ont besoin de notre aide. Par exemple, j’ai organisé le retour à Marseille d’une jeune étudiante qui était allée renouveler sa carte de séjour en Italie afin de passer son bac, et qui  fut arrêtée par la police française qui l’avait ensuite laissée dans la rue, la nuit à Vintimille. Un avocat italien a pu régulariser sa situation, mais elle était terrorisée à l’idée de croiser les policiers à nouveau. Avec un solidaire de l’AdN, nous sommes allés la rechercher et avons franchi la frontière de retour sans problèmes. Elle a passé son Baccalauréat avec succès, mais cette expérience l’avait traumatisée.

Après les drames de la traversée, les migrants doivent faire face à la persécution préfectorale : en avril 2017, j’ai hébergé à Nice un couple de nationalité Érythréenne avec un enfant de 5 ans qui venait d’Italie et résidait chez des solidaires à Breil-sur-Roya depuis le 26 février 2017. Une histoire dramatique. Avec deux adhérents de l’AdN et deux traducteurs, nous avons accompagné cette famille dans le parcours difficile des « Dublinés » (règlement de l’UE appliqué à toute personne s’il est prouvé qu’elle est passée par un autre état membre de l’UE, et qui stipule qu’un seul État membre – celui d’entrée sur le territoire de l’Union – est responsable de l’examen de la demande.

Accueillis chez moi le premier soir, nous avons ensuite organisé leur suivi : accompagnements en préfecture pour effectuer une demande d’asile ; chez Forum Réfugiés pour une domiciliation ; à l’OFFII pour obtenir un hébergement et l’allocation d’aide aux demandeurs d’asile (400 € : mois) ; installation dans un hôtel meublé le lendemain (les « dublinés » n’ont pas accès au CADA – Centre Accueil des Demandeurs d’Asile – qui sont chargés de suivre les personnes dans la totalité des démarches) ; les accompagnements aux pointages au bureau de police ; traduction des courriers reçus ; l’inscription à l’école et en centre aéré de l’enfant ; suivi médical de la maman (enceinte) ;  informations et accompagnements dans les épiceries solidaires ; inscription aux cours de français ; visites et sorties amicales ; démarches auprès des avocats (…). En Juin 2017, le préfet des Alpes Maritimes ordonne leur réadmission en Italie, mais le Tribunal Administratif annule cette décision estimant que « celle-ci n’avait pas assez pris en compte l’intérêt de l’enfant ». Depuis, et malgré ce jugement, la préfecture s’acharne sur cette famille, mais un jugement rendu le 24 septembre dernier par le Conseil d’État lui donne tort, et la famille a désormais le droit de se rendre à la préfecture pour exiger la délivrance d’une attestation de procédure OFPRA.

Nous continuons à aller à Vintimille afin d’y apporter chaque semaine la collecte de vêtements et de nourriture coordonnée par l’AdN en faisant de nombreux appels à la solidarité. Celle-ci n’a jamais cessé depuis 2015, et a permis à de nombreuses personnes scandalisées de la situation des réfugies de s’investir. Je participe à de nombreuses réunions avec les acteurs de la solidarité en Italie afin de coordonner nos actions. Je suis d’ailleurs convoquée par le Tribunal d’Imperia pour ma participation à des manifestations de soutien dont le but est sans doute de me donner, ainsi qu’à d’autres, une interdiction du territoire de Vintimille.

Consciente que peu de personnes connaissaient la situation dramatique vécue par les réfugiés depuis 2015,  j’ai répondu à de nombreuses interviews, mais aussi organisé de nombreux événements et ai conçu, avec un autre membre de notre association, une exposition photo retraçant leur parcours afin de sensibiliser à leur situation et développer la solidarité, qui devrait aussi déboucher sur l’édition d’un livre. L’état des lieux est régulièrement rapporté sur le site www.adn-nice.org.

Depuis 2015, nous avons reçu beaucoup de soutiens, pas majoritairement venus de militants, qui participent aux actions d’accompagnements. Ceux-ci s’ajoutent aux nombreux et nombreuses anonymes qui ont parfois, le temps d’un soir ou d’une nuit, offert le gîte et le couvert à ces désespérés dans leur errance.

ADN – Association pour la démocratie à Nice http://www.adn-nice.org adn(à)adn-nice.org