Gilles Voiron (Ingénieur d’études contractuel, CNRS, laboratoire ESPACE), Christine Voiron-Canicio (Professeure de géographie, Université Côte d’Azur, laboratoire ESPACE)
Dans les Alpes-Maritimes, comme dans l’ensemble du territoire français, la distance entre le domicile et le lieu de travail s’accroît au rythme de la périurbanisation. Cette étude s’attache à décrire ce phénomène à l’échelle des communes des Alpes-Maritimes, en focalisant l’attention sur les « navetteurs » – actifs ayant un emploi hors de leur commune de résidence –, dont les déplacements quotidiens se font avec un véhicule particulier (voiture et deux roues). L’analyse repose sur deux sources de données de l’INSEE, les recensements de la population à six dates (1975, 1982, 1990, 1999, 2006, 2015), et la base MOBPRO INSEE de 2014, caractérisant les mobilités professionnelles des individus.
L’analyse spatio-temporelle des navetteurs, au cours des quarante dernières années, est menée à l’aide de trois indicateurs : le nombre de navetteurs par commune, la part qu’ils représentent dans la population active de la commune, et le coefficient de variation du pourcentage de navetteurs, qui traduit les écarts de valeurs entre les communes. Le nombre de navetteurs a fortement augmenté, passant de 27% en 1975 à 49% en 2015. Ce quasi doublement est à mettre en relation avec l’extension de la périurbanisation qui conduit les ménages à résider de plus en plus loin des lieux d’activités du sous ensemble littoral, et qui est sous-tendue par l’amélioration et la création de voies de communication. Toutefois, la part des navetteurs reste inférieure à la moyenne nationale (66%), en raison du nombre élevé de grandes communes urbaines qui sont des pôles d’emploi en premier lieu pour la population active qui y réside – Nice ne compte que 23% de navetteurs.
L’augmentation des navetteurs s’est traduite de façon différenciée à la fois dans le temps et dans l’espace, comme le révèlent les cartes de la figure « Évolution du pourcentage des navetteurs » (Fig.1) et les trois indicateurs associés. En 1975, les navettes étaient peu généralisées – essentiellement cantonnées aux zones périurbaines du littoral, et de Nice, en particulier – d’où un coefficient de variation élevé (0,72). Ce dernier n’a cessé de décroître par la suite pour atteindre 0,37 en 2015. Cette diminution continue des écarts s’explique par l’homogénéisation des valeurs résultant de l’extension des zones de mobilités professionnelles.
Figure 1 : Évolution du pourcentage de navetteurs (1975 à 2015).
Les informations détaillées sur les mobilités professionnelles des individus en 2014, renseignent sur le profil des navetteurs. Ces derniers sont à 54% des hommes, et l’âge moyen (les deux sexes confondus) est de 42 ans. Il est à noter une surreprésentation des jeunes navetteurs dans l’arrière-pays. Les données de la base MOBPRO 2014 ont permis de déterminer la portée des déplacements de travail en termes de kilométrage quotidien parcouru. Celui-ci est plus élevé que dans le reste de la région PACA. En effet, le plus grand nombre de navettes (40%) se situe sur des distances au lieu de travail comprises entre 10 et 20 km, contre 30% pour l’ensemble de la région PACA.
Par ailleurs, deux analyses spatiales inédites ont été réalisées. Les mobilités-navettes ont été considérées sous deux angles différents, d’une part, celui de la commune de résidence, d’autre part, celui de la commune-lieu de travail. Le kilométrage moyen (A/R) parcouru par les actifs partant travailler hors de la commune de résidence s’élève à 37,5 km. La cartographie des valeurs révèle une structure majeure de type gradient : littoral/intérieur – faible altitude/forte altitude (Fig. 2). En revanche, le kilométrage moyen des actifs venant dans la commune du lieu de travail est plus élevé (40,8 km). La cartographie des résultats met ici en exergue les sous-espaces qui, dans l’arrière-pays, sont au cœur d’un bassin d’emplois de portée étendue, et dont les trajets émanent d’au moins 5 communes différentes (Fig. 3).
Figure 2 : Kilométrage moyen des navetteurs selon la commune de résidence.
Figure 3 : Kilométrage moyen des navetteurs selon la commune du lieu de travail.
Références
Baccaïni B., Sémécurbe F., Thomas G., (2007), « Les déplacements domicile-travail amplifiés par la périurbanisation », Insee Première n° 1129
Coudène M., Levy D., (2016), « De plus en plus de personnes travaillent en dehors de leur commune de résidence », Insee Première n° 1605