Éclairage public et protection de l’environnement nocturne

Notre présence sur cette belle planète a lieu au sein d’un écosystème immense. L’évolution des espèces et des chaînes alimentaires mises en place pendant des millénaires se trouvent fortement perturbées par l’activité humaine. Malheureusement, cette dernière ne se termine pas avec le coucher du soleil. On peut se dire qu’aux heures d’inactivité industrielle et de calme dans les transports, nous limitons notre impact sur l’environnement. Mais c’est sans compter sur l’éclairage artificiel omniprésent.

Historique de l’éclairage public

Au départ, l’éclairage public permettait de sécuriser les espaces urbains et la circulation sur les routes à une époque où les véhicules n’avaient que des phares faibles, et de décorer les espaces prestigieux des villes. Au XIXe siècle, les lampadaires à gaz remplacèrent les lampes à huile et permirent d’éclairer plus de rues et de développer l’activité nocturne humaine dans les villes. Vint ensuite l’électricité, et l’éclairage public commença à éclairer les routes en dehors des villes, de nombreux bâtiments, des parkings, etc. En France, en 20 ans, 94% de lumière supplémentaire a été émise par l’éclairage public, arrivant en 2014 à 11 millions de points lumineux. En parallèle, les véhicules sont devenus capables d’éclairer leur entourage de façon efficace, mais l’insécurité a continué d’augmenter dans les villes. Récemment, la démocratisation des éclairages à diodes électroluminescentes (DEL ou LED), moins coûteux et plus efficaces énergétiquement, a eu pour résultat d’augmenter le nombre de points lumineux et leur puissance.

Effets négatifs

Malgré le rôle positif visé par ces éclairages, ils ont souvent des effets négatifs sur les animaux, y compris l’humain. Chez les mammifères, la sécrétion de mélatonine est régie par l’absence de lumière bleue, puisqu’au coucher du soleil le ciel est plus rouge. La lumière artificielle, en particulier lorsqu’elle est blanche, impacte ainsi l’horloge interne des animaux, le rythme circadien.

Des études sur les mammifères ont montré qu’en remplaçant la nuit par une luminosité même faible (5 lux), on pouvait observer une augmentation des symptômes de dépression et d’obésité. Chez les humains, les travailleuses dont le rythme circadien est perturbé (hôpitaux, transport aérien) montrent une augmentation de 30% du risque de cancer du sein, mais pas d’autres cancers.

Environ 60% des invertébrés et des mammifères sont nocturnes, ainsi que 90% des amphibiens et papillons. Pour les animaux diurnes, l’éclairage artificiel rend difficile le sommeil, mais pour les nocturnes, c’est la survie qui est en jeu : comment se repérer en étant ébloui, comment trouver de la nourriture, se reproduire ? Une compartimentation des espèces se produit alors, déplaçant les prédateurs dans des endroits incompatibles avec leur survie, près des villes et des routes. C’est tout l’écosystème qui est modifié. Les oiseaux migrateurs et chauves-souris, dont la population a diminué de 40% en 10 ans en France, sont aussi fortement perturbés et des milliers meurent chaque année aveuglés ou perdus. Voit-on encore beaucoup de lucioles là où on les voyait il y a 30 ans ?

Comment protéger l’environnement nocturne ?

L’association nationale de protection du ciel et de l’environnement nocturne (ANPCEN) émet avec des partenaires des recommandations à destination des municipalités. Le but n’est pas de retourner à des villes éteintes, mais d’éclairer de façon plus adaptée. Beaucoup de lampadaires éclairent en direction du ciel, consomment beaucoup d’énergie pour peu de lumière produite, éclairent d’une lumière trop blanche ou bleue, sont trop proches les uns des autres ou allumés trop longtemps ou trop fort dans des zones peu fréquentées.

En dehors des centres urbains piétons, une extinction totale en deuxième partie de nuit, de 23h à 6h par exemple, a souvent très peu d’incidence sur la population. Sur les autoroutes et les voies rapides, l’extinction a un effet sur la biodiversité sur des kilomètres carrés, et nous avons appris à vivre avec. Les enseignes lumineuses, bureaux et commerces sont désormais sujets à une extinction nocturne obligatoire, une heure après leur fermeture jusqu’à une heure avant leur ouverture.

Retombées économiques et effets secondaires

Dans les communes, l’éclairage est le second poste de dépense énergétique après le chauffage et l’éclairage intérieur des bâtiments. En suivant les recommandations, les communes peuvent réduire d’au moins 50% leur consommation énergétique. En France, la consommation d’électricité liée à l’éclairage public est de 5,6 TWh en 2017 et 2 TWh pour les enseignes lumineuses, l’équivalent de la production d’un tiers de centrale nucléaire. L’impact sur l’environnement se retrouve donc aussi au niveau de la pollution de l’air et de la terre.

La diminution de l’éclairage public se traduit immédiatement par la redécouverte du ciel étoilé. Dans le 06, et en Europe en général, la majorité de la population ne voit pas la Voie lactée, notre galaxie. La redécouvrir est un spectacle émouvant et nous rappelle notre place dans l’univers.

Les points bloquants

Pourquoi alors voit-on toujours plus de points lumineux ? C’est principalement une question d’habitude et d’éducation. Nous vivons depuis des décennies avec l’idée que là où il y a des humains il faut que ce soit éclairé en permanence, même pour un usage limité. Expliquer les enjeux ci-dessus permet de faire évoluer les mentalités. Sinon, pourquoi éclairerait-on moins alors que cela consomme moins d’éclairer plus qu’avant ? C’est une question à laquelle font face les communes, et nous pouvons tous aider les élus à faire les bons choix en discutant avec eux.

Une autre raison est la sécurité. Les statistiques montrent pourtant qu’il n’y a pas plus d’accidents, de délits, d’incivilités en tout genre, lorsqu’il n’y a plus d’éclairage public, au contraire.

Concours villes et villages étoilés

L’ANPCEN organise ce concours pour mettre en avant les communes participant activement à la lutte contre la pollution lumineuse. Un label leur est attribué en fonction des actions prises par rapport aux recommandations, qui leur octroie entre une et cinq étoiles. Dans les Alpes Maritimes, département très touristique, 11 villes et villages ont été labellisés depuis 2013, ce qui montre un élan fort pour la préoccupation de la protection de l’environnement, y compris dans la métropole Nice Côte d’Azur. Le concours a lieu tous les deux ans, il est donc temps de préparer votre commune pour l’édition 2019 !

Ont obtenu 4 étoiles : Spéracèdes (mention nationale meilleure commune d’un parc naturel régional) ; 3 étoiles : Revest-les-Roches ; 2 étoiles : Mouans-Sartoux (mention nationale meilleure commune labellisée territoire à énergie positive pour la croissance verte), Castillon, Gourdon et Saint-Jannet ; 1 étoile : Entraunes, Cipières, Briançonnet, Péone-Valberg et Saint-Cézaire-sur-Siagne.

Sources

Site Web de l’association nationale de protection du ciel et de l’environnement nocturne http://www.anpcen.fr/

Guillaume Cannat. L’éclairage nocturne artificiel de la Terre ne cesse de croître. 24 novembre 2017 sur son blog du Monde. http://autourduciel.blog.lemonde.fr/2017/11/24/leclairage-nocturne-artificiel-de-la-terre-ne-cesse-de-croitre/

Actions de la métropole Nice Côte d’Azur à Saint-Étienne-de-Tinée : http://www.nicecotedazur.org/environnement/biodiversit%C3%A9/pollution-lumineuse-et-biodiversit%C3%A9

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